Grande rentrée des avocat(e)s
Avocats et Chancellerie se félicitent de leurs relations «constructives»
Lors de la Grande rentrée des avocat(e)s, le Conseil national des barreaux et le ministre de la Justice ont dressé le bilan de trois années de travail «en bonne intelligence», et fait le point sur plusieurs des chantiers en cours ou à venir.
«Sachez
que j’ai particulièrement apprécié, messieurs les membres du
Conseil national des barreaux, nos très nombreux échanges»,
que l’on peut qualifier de «directs et francs, en langage
diplomatique », mais « toujours respectueux et
finalement constructifs». C’est en ces termes que le
ministre de la Justice, Éric Dupond-Moretti, a évoqué les
relations entre son cabinet et l’institution représentative de la
profession d’avocat, le Conseil national des barreaux (CNB), lors
de la Grande rentrée des avocat(e)s, le 28 septembre dernier à
Paris. L’occasion
pour le garde des Sceaux de dresser le bilan de «trois ans
de travail conjoint», «en bonne intelligence»,
avec les représentants de la profession.
Attentifs et vigilants, mais coopératifs
«Sous votre ministère, la plupart des sujets qui étaient
à l’étude depuis des années concernant la profession d’avocat
ont été arbitrés», a relevé le président du CNB,
Jérôme Gavaudan, dont le mandat de trois ans va arriver à
son terme à la fin de l’année. «Secret professionnel,
procédure disciplinaire, formation initiale et continue, acte
d’avocat exécutoire, legal privilège versus avocat salarié en
entreprise, organisation des juridictions, passerelle vers la
magistrature… Autant d’arbitrages rendus avec le Parlement et
avec le souci de la concertation avec le Conseil national des
barreaux.»
«Nous
sommes attentifs, vigilants, mais nous coopérons» avec la
Chancellerie, a poursuivi le président du Conseil national. Ainsi,
parmi les travaux menés par l’institution auprès du ministère et
des parlementaires «pour faire valoir les intérêts
de la profession» à l’occasion de l’examen de la loi
pour la Confiance dans la justice, en 2021, figurent la
limitation de la durée de l’enquête préliminaire, l’audience
préparatoire en matière criminelle, l’acte exécutoire pour
l’accord de médiation rédigé par acte d’avocat, ou encore le
droit de visite du bâtonnier dans les lieux de privation de liberté.
À l’avenir, «vous pourrez compter sur la profession
[d’avocat] pour rappeler l’importance, entre autres
sujets, d’une revalorisation de l’aide juridictionnelle, de
l’accès au dossier par l’avocat dès le début de la garde à
vue, de la protection absolue du secret professionnel de l’avocat »,
ainsi que « l’urgence de réformer la procédure
d’appel».
Modes amiables : reste à convaincre les avocats et les magistrats
Les
avocats sont également au cœur d’un autre chantier que le garde
des Sceaux a lancé en début d’année, dans le cadre de son plan
d’action pour la justice : le développement des modes
amiables de règlement des différends en matière civile. «Le
projet que vous portez pour l’amiable est ambitieux», a
déclaré Jérôme Gavaudan au ministre. «Comme vous le
savez, il nous faut encore convaincre les avocats que l’amiable ne
se fera pas au détriment de l’accès au juge», car
«nous n’irons pas dans l’amiable comme substitut du
recours au juge et nous serons vigilants sur les moyens que vous
accorderez à ce processus.» Le CNB
et la Chancellerie se sont néanmoins accordés sur une campagne de
communication commune destinée à mieux faire connaître les modes
amiables aux justiciables, aux avocats et aux magistrats.
Depuis
la loi Confiance pour la justice,
«les actes constatant un accord issu d’une médiation,
d’une conciliation, d’une procédure participative peuvent, dès
lors qu’ils sont contresignés par avocat, se voir apposer
directement une formule exécutoire», a rappelé le
ministre. Et c’est pour «aller plus loin» sur
ce terrain que la politique des modes amiables a été lancée.
«L’objectif est ambitieux», a-t-il convenu, et
cela nécessite «dès aujourd’hui, une implication forte
et totale des professions d’avocat et de magistrat». Car
«c’est d’abord à vous, chers maîtres, qu’il
appartiendra d’orienter et d’accompagner vos clients vers la voie
la plus adaptée à la résolution de leur litige.»
Un
travail est actuellement en cours pour «structurer le Code
de procédure civile autour de l’amiable», afin de
fournir aux professionnels, avocats et magistrats, «des
textes plus clairs, plus simples». Toujours pour renforcer
le recours à l’amiable, «j’ai souhaité diversifier
les outils, une fois le juge saisi», avec la césure du
procès civil et l’audience de règlement amiable, instaurées par
décret le 29 juillet dernier.
Quid
de la viabilité, pour les avocats, d’un modèle économique basé
sur le développement des procédures amiables ? «C’est
à vous de faire signer des conventions prévoyant des honoraires de
résultat en cas de recours concluant à l’amiable, et c’est à
nous de revaloriser l’aide juridictionnelle pour qu’un avocat
obtenant un accord par le biais de l’amiable soit mieux rémunéré
que s’il choisit la voie contentieuse», a poursuivi Éric
Dupond-Moretti. Avant de rappeler que «les crédits de
l’aide juridictionnelle ont augmenté de plus de 32% entre 2020 et
2023» et que «l’unité de valeur est passée
de 32 euros en 2020 à 36 euros en 2023».
Faciliter les reconversions d’avocats dans la magistrature
Autre
chantier récemment lancé par le ministre de la Justice :
«ouvrir encore davantage la magistrature et les tribunaux
aux avocats». En l’état, le projet
de loi d’orientation et de programmation pour la justice
prévoit la création de 1 500 postes de magistrats
supplémentaires et d’au moins 1 500 postes de greffiers
supplémentaires, d’ici 2027. «Pour y arriver, nous
devons diversifier nos recrutements», a rappelé le garde
des Sceaux. Le projet de loi organique relatif à l’ouverture, la
modernisation et la responsabilité de la magistrature inclut une
réforme des voies parallèles d’accès à la magistrature.
Celle-ci prévoit la création d’un nouveau concours professionnel
qui va venir remplacer les concours complémentaires et les voies
d’intégration sur titre. «Cette réforme
s’adresse aux avocats jeunes ou expérimentés qui envisagent de
devenir magistrats» et il est important que «les
avocats soient sensibilisés à cette nouvelle opportunité
professionnelle».
«Nous pouvons regarder l’avenir de la justice de notre pays avec
optimisme», a conclu le garde des Sceaux, car «si
nous ne pouvons pas régler
d’un coup de baguette magique, j’ai bon espoir que
les recrutements massifs que nous sommes en train d’opérer ainsi
que les réformes de simplification que nous sommes en train de
mettre en œuvre à tous les niveaux vont contribuer à améliorer
sensiblement la situation.»