Retour sur la Rencontre des Entrepreneurs de France à Paris
Galop d'essai réussi pour Patrick Martin
La cloche de la rentrée économique a sonné, avec la grand-messe annuelle du Medef en guise de starting-blocks. Visiblement, les patrons n'ont pas perdu l'impulsion en cours d'été. Débriefing.
Leur nouveau président, Patrick Martin, n'est pas un inconnu pour les 190 000 affiliés du Mouvement des Entrepreneurs de France. Il fut le binôme du tonitruant Geoffroy Roux de Bézieux sur la mandature précédente, et si la forme est différente, le fond, lui, s'inscrit dans une continuité rassurante pour un patronat toujours combatif. Au menu, un cocktail un peu paradoxal quoique récurrent, mix d'optimisme génétique et d'une note de fatalisme devant la complexité publique, qu'elle soit élue ou salariée.
C'est à un Medef «de réflexion, de prospective et d'anticipation» que le nouveau président fait référence. Voilà le visage que Patrick Martin veut offrir au syndicat patronal qu'il pilote désormais. «Nous avons nécessité à partager notre vision et nos convictions, pour faire entendre la voix (forte) des entrepreneurs de France.» Des visions légitimes, «pour ceux qui créent de la richesse et innovent, loin de s'exalter dans les commentaires stériles. (...) Nous sommes une force d'entraînement.»
L'invité d'honneur inattendu de cette session 2023 ne le contredira pas : le pape François, par le biais d'un message vidéo, a livré missive officielle aux entrepreneurs de France et affiliés pour livrer sa vision pontificale de l'éco-écosystème. «Quand je pense aux chefs d'entreprise, le premier mot qui me vient à l'esprit est : bien commun. (...) Vous êtes un moteur essentiel de la richesse, de la prospérité, du bonheur public.» Un pape raccord avec le discours républicain, à la limite du libéral, sans tabou confessionnel.
Pour l'amour du risque
Demain ne meurt jamais : la thématique 2023 était limpide. Engagement, valorisation des initiatives entrepreneuriales qui se multiplient, souvent menées trop discrètement et qu'il faudra mieux reconnaître pour faire briller un peu plus haut l'image du patronat et des entreprises : le credo d'un Patrick Martin droit dans ses bottes. Le message pontifical en juge de paix, il assume la part de responsabilité du patronat dans l'évolution sociale et sociétale. Mission : «ne pas compromettre l'avenir par des décisions absurdes, nous ne sortirons par le haut qu'en réunissant les conditions économiques et sociales nécessaires à notre souveraineté, à la réindustrialisation du pays, à l'équilibre de nos régimes sociaux et de nos finances publiques.»
Puis le mot CVAE est lâché, une dérobade serait un très mauvais signal. «Sa suppression était intégrée dans nos business plans», harangue le président devant un public forcément conquis. Idem pour l'assurance maladie ou sur l'investissement locatif, sur la table des interrogations gouvernementale : «n'enrayons pas la machine, nous vous faisons confiance. (...) N'altérez pas la confiance entre l'Etat et les décideurs économiques, elle est indispensable à notre réussite, qui doit s'inscrire aussi dans nos relations de travail avec le Parlement.» La politique de l'offre prônée dès le premier quinquennat Macron a donné de bons résultats, alors pas question, côté patrons, de la répudier pour de simples postures politiciennes.
Dans une période de transition(s), d'instabilité, de crises conjuguées au pluriel, le Medef, dans son jeu collectif et son esprit XV de France, sera-t-il le rempart contre trop d'austérité et de fiscalité ? La réponse ne pourra venir que de la team publique, pour qui les moindres éconocroques sont à diriger en priorité vers le désendettement. Le retard à l'allumage pour la suppression complète de la CVAE en est un stigmate, que le Medef espère isolé. Et surtout non contagieux, à l'orée des réformes qu'il reste à mener.
Isabelle Auzias – Tribuca pour RésoHebdoEco - www.reso-hebdo-eco.com
Elisabeth
Borne : «Oui, nous menons une politique pro-business»
Lors de la Rencontre des Entrepreneurs de France, Elisabeth Borne a professé son optimisme : «Nous avons des fondamentaux solides, deux millions d'emplois créés depuis 2017, un pays qui est le plus attractif d'Europe depuis quatre ans, une croissance de 1% pendant que l'Allemagne est en récession. La réussite de notre stratégie de réindustrialisation avec 100.000 emplois déjà créés, c'est cela, la politique pro-business, c'est de l'engagement, on ne doit pas changer de cap, et nous continuerons cette politique de soutien au monde économique. (...) Je crois dans une croissance respectueuse de la planète, économique en ressources et riche en emplois.»
Une croissance compatible avec les enjeux climatiques, en phase avec les textes comme la loi Industrie Verte, mais aussi avec la stratégie mise en œuvre pour recouvrer une certaine autonomie/souveraineté. Les 54Mds€ mis sur la table via France 2030 sont d'ailleurs là pour sanctuariser une innovation nécessaire sur les secteurs d'avenir, décarbonation en tête. Avant d'ajouter : «Nous sommes dans une période de bouleversement, dans un monde qui nous impose de défendre notre modèle démocratique et social. Je le dis et le redis, il n'est pas question de taxer plus les entreprises, nous sommes la majorité qui les a le plus libérées depuis des décennies, (...) nous ne changerons pas de cap, il n'y aura pas de hausse d'impôt.» Et puis l'instabilité fiscale n'a jamais fait bon ménage avec l'activité, «les entreprises ont besoin de visibilité, je m'étais engagée sur la CVAE, elle sera supprimée d'ici la fin du quinquennat.»
L'exemple de Dunkerque
Devant le patronat français, Bruno Le Maire, ministre de l'Economie, s'est montré ambitieux. Il est revenu, entre autres, sur les investissements étrangers dans l'Hexagone avec la question : faut-il ou non sortir le chéquier pour attirer en France de gros paquebots industriels ? «Dans le fond, la question ne se pose pas. Les Chinois le font, les Américains le font, et nous nous sommes battus bec et ongles pour imposer à la Commission européenne la possibilité de soutenir les investissements industriels.» Pour appuyer sa démonstration, cap sur Dunkerque, «un bassin qui montre à quel point il faut croire dans les capacités françaises, dans les entrepreneurs français. A Dunkerque, depuis 30 ans, on fermait des usines, on laminait la culture ouvrière, on perdait la capacité de production, alors oui, j'ai sorti le carnet de chèques pour installer des usines», aujourd'hui et demain. Pour que la France savoure sa pole position sur la carte européenne des pays les plus attractifs de capitaux étrangers.