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Le déclin de l’empire occidental

Adaptation libre et fidèle du roman éponyme de Michel Houellebecq, Les Particules élémentaires est l’un des spectacles majeurs de ces dernières années. Créée en 2013, la pièce ne cesse de tourner dans le monde entier. Dernières représentations avant la prochaine création très attendue de Julien Gosselin l’été prochain.

© Simon Gosselin
© Simon Gosselin

«Retracer la fin de l’ancien règne» d’un monde dont le crépuscule se dessina à l’aube des années 2000, puis ébaucher les prémices d’une post-humanité : telle est l’ambition du narrateur des Particules élémentaires, reprise avec une convaincante audace par Julien Gosselin qui n’élude aucun des thèmes abordés dans le roman, comme celui de la misère sexuelle née de la libération des années 1970 où Houellebecq esquisse avec une justesse confondante les liens entre ultralibéralisme économique et vie sexuelle soumise aux lois du marché. Une époque où l’individu est inféodé à l’abondance de la chair disponible sur le marché de la jouissance programmée ou assujetti à ses désirs frustrés.

© Simon Gosselin

Un spectacle d’une belle impureté cheminant entre mélancolie des sentiments et froideur du discours scientifique, circulant avec finesse entre compassion et férocité à l’image du regard de Houellebecq sur le monde. Un théâtre où le désespoir est palpable : «en définitive, la vie vous brise le cœur» dit l’un de ces personnages plongés dans une époque où «plus personne ne savait comment vivre». Empreintes parfois d’une grande douceur, tantôt traversées d’une extrême violence, nappées d’un humour subtil ou frontal, ces Particules élémentaires dessinent la fin du XXe siècle – une éternité à l’échelle du numérique galopant – mais nous parlent aussi du monde d’aujourd’hui.

Si ces Particules revêtent les atours d’un théâtre romanesque à travers son texte polyphonique – Michel Houellebecq est un admirateur de la Comédie humaine balzacienne – Julien Gosselin s’en éloigne, sans surenchère formelle, en signant une œuvre protéiforme où les corps, la matière sonore, la vidéo et le montage des séquences participent à la dynamique d’une représentation sécrétant une renversante énergie qui percute le spectateur et l’emmène dans les sphères les plus ardues du récit. En outre, Guillaume Bachelé signe une musique hypnotique et intense dont les couleurs épousent ou révèlent les atmosphères contrastées déclinées par la pièce.

Enfin, la beauté de ce spectacle doit beaucoup à de magnifiques comédiens, avec une mention spéciale à Victoria Quesnel composant une émouvante Annabelle, Noémie Gantier au plus près des incertitudes du désir et du cœur de Christiane, Denis Eyriey qui joue un sidérant Michel Houellebecq sans le cloner, et Alexandre Lecroc qui pianote avec une touchante justesse sur la gamme des sentiments traversant Bruno. Une formidable troupe magnifiant un spectacle en osmose avec son époque.

Représentations du 5 au 9 décembre au Théâtre National de Belgique, 111 boulevard Emile Jacqmain à Bruxelles. Renseignements et réservations au 00 32 22 03 53 03 ou sur www.theatrenational.be

Puis les 20 et 21 décembre à 20h au Phénix, boulevard Harpignies à Valenciennes. Renseignements et réservations au 03 27 32 32 32 ou sur www.lephenix.fr