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Livres de la semaine

Livres de la semaine

 

Un écrivain, un vrai

Le héros de ce superbe roman voit Gary Montaigu, écrivain américain d’origine française à l’apogée de sa carrière, accepter la proposition d’un producteur : participer à une téléréalité qui prétend montrer l’écrivain au travail. Une équipe s’installe au domicile de Gary et suit son travail au jour le jour ; les téléspectateurs sont invités à intervenir sur l’histoire du roman en cours, sans même avoir à le lire puisque chaque chapitre est immédiatement transposé en épisode de feuilleton télé. En cédant à la pression de sa femme, il pensait faire entrer l’amour du livre et de la fiction dans tous les foyers. Une démarche généreuse et sincère… Mais que peut la littérature face à la médiocrité consensuelle de la télévision ? Avec humour et clairvoyance, Pia Petersen interroge le rôle de l’artiste dans nos sociétés contemporaines interactives. Elle plaide pour la complexité de la pensée, la liberté de créer sans le souci de séduire. Sa phrase, entêtante et ironique, déroule implacablement cette efficace dénonciation du storytelling au détriment de l’engagement réel sur un chemin de création.

 

Un écrivain, un vrai de Pia Petersen (Babel).

 

 

Cannibales

 

Noémie, l’héroïne de ce singulier roman épistolaire, est une artiste-peintre de vingt-quatre ans qui vient de rompre avec un architecte de près de trente ans son aîné avec lequel elle a eu une liaison de quelques mois. La correspondance débute avec une lettre adressée par Noémie à la mère de cet homme où elle s’excuse d’avoir rompu. Les deux femmes finissent par nouer d’étranges liens et projettent de se débarrasser du fils et ex-amant… En réalité, ce roman parle d’amour. Les deux femmes sont des amoureuses passionnées. La vieille dame a appelé son fils du nom du seul homme qu’elle a jamais aimé, et qui est mort accidentellement avant leur mariage. Noémie, elle, est une «collectionneuse d’histoires d’amour», toujours à la recherche de l’idéal. Au fil des lettres que, de son côté, il échange avec les deux protagonistes, le fils et ex-fiancé exprime toute la passion qu’il éprouve toujours pour Noémie.

 

Cannibales de Régis Jauffret (Points Seuil).

 

 

A la table des hommes

 

Le héros de ce roman initiatique est un enfant sauvage appelé Babel – puis rebaptisé Abel –  ignorant beaucoup des hommes en raison de son obscure naissance au cœur d’une forêt en pleine guerre civile. S’il découvre peu à peu la complexité de la nature humaine, à commencer par celle du langage, il garde toujours en lui un lien intime et pénétrant avec la nature et l’espèce animale, dont une corneille qui l’accompagne depuis l’origine. Ce roman sombre et envoûtant qui tient autant du fantastique que du réalisme le plus contemporain est traversé par la violence prédatrice des hommes. De fait, l’auteure interroge la barbarie à travers une écriture d’une grande sensualité où l’importance des corps ainsi que l’intensité des émotions dessinent une question fondamentale : qu’est-ce qu’un être humain ? Une fable à l’écriture pointilliste – dans la lignée des enluminures médiévales – qui explore les minces frontières entre l’homme et l’animal.

 

A la table des hommes de Sylvie Germain (Le Livre de Poche).

 

 

Beaux rivages

 

Au fil d’une trame fictionnelle maintes fois explorée mais jamais asséchée – le récit d’une séparation –, Nina Bouraoui tisse un roman certes douloureux mais qui, in fine, suggère que que «l’amour triomphera toujours.»  Le lecteur suit donc la lente descente aux enfers d’une narratrice prénommée A. quittée par Adrian, galeriste suisse, après huit ans de passion amoureuse entre Paris et Zurich. Sèchement abandonnée par un message avançant un désir de liberté maquillant à peine l’existence d’une autre femme, A. ne se résout pas à cet abandon qu’elle vit presque comme une injustice et, après l’abattement, se met en tête de découvrir qui est sa rivale. Une artiste qui s’épanche à travers un blog en forme de journal intime auquel la femme abandonnée s’accroche comme une bouée de sauvetage qui, entre colère et manque, la relie encore à l’être aimé envolé. Reviennent alors les souvenirs des jours heureux vécus naguère, prémices d’une accalmie avant le retour à la vie… Un roman poignant en forme de catharsis pour tous les «quittés» du monde.

 

Beaux rivages de Nina Bouraoui (Le Livre de Poche).