Molière, Ibsen et Dali

Molière

Intitulé A l'école des femmes, ce premier volet d'un biopic en trois actes débute alors que Molière s’apprête à épouser Armande, sa cadette de 20 ans et soeur de son ancienne maîtresse, Madeleine Béjart. Ce mariage suscite alors suspicions, scandale et rumeurs. C'est dans ce contexte sulfureux que Molière écrit L'Ecole des femmes, qui ridiculise avec férocité la domination masculine, l’institution du mariage et l’éducation des filles. Les attaques pleuvent, l'Eglise demande au roi que la pièce soit interdite. Mais son sens acéré de l’observation de l’âme humaine autant que son humour matois, plaisent à Louis XIV... Alors que l'on célèbre les 400 ans de la naissance de Jean-Baptiste Poquelin, son œuvre intemporelle tourne en dérision des travers humains universels tandis que ses courageuses prises de position d'alors résonnent encore aujourd'hui avec acuité. Vincent Delmas (scénario) et Sergio Gerasi (dessins) signent avec brio cette plaisante BD dont le récit finement articulé jongle avec les temporalités pour dépeindre le génie et la complexité de la figure tutélaire de la Comédie Française.

Glénat.

Un Ennemi du peuple

Brillante adaptation de la pièce éponyme d’Henrik Ibsen publiée en 1882, cette BD s'ouvre alors que l’île de la Baleine, une nouvelle station thermale, s’apprête à accueillir le flot de touristes venus se ressourcer aux promesses de bien-être et de loisirs. Seul le docteur Stockmann ne partage pas l’enthousiasme général, soupçonnant l’eau d’être contaminée. Quand les résultats des analyses viennent confirmer ses craintes, il veut rendre l’affaire publique. Mais bientôt la presse, les notables et toute l’opinion se retournent contre lui. Dans une société qui préfère oublier le désastre à venir, qui préfère le mensonge à la vérité, le lanceur d’alerte devient «l’ennemi du peuple», ostracisé à cause de la révélation d’une vérité qui dérange. Cette transposition contemporaine actualise ainsi un questionnement politique fondamental sur les enjeux du débat d’opinion dans une démocratie en crise. Influencé par le cinéma, le graphisme du dessinateur catalan Javi Rey développe une ligne claire expressive et allégorique en osmose avec la pièce la plus politique du répertoire du dramaturge norvégien.

Aire Libre/Dupuis.

Les Noces de Sang

Ce nouveau diptyque de la série Jour J s'ouvre en aout 1936 alors que le poète et dramaturge Federico Garcia Lorca, ardent partisan républicain, a été exécuté par les milices franquistes. A Londres pour une exposition de ses œuvres, Salvador Dali, révolté par cet assassinat, décide de venger son ami et imagine une opération spéciale. Edward James, riche héritier qui soutient financièrement le mouvement surréaliste, apportera les moyens financiers tandis que le légendaire photographe Man Ray met ses talents de faussaire au service de cette incroyable conspiration dont le but est d'empêcher Franco de prendre le pouvoir. Quelques mois plus tard, Dali, James et Serge, un ami gitan du peintre, rejoignent le Portugal où ils prennent contact avec des membres du Komintern, organisation communiste internationale. Le moment de l'exécution du plan approche... Partant d'un postulat stimulant – et si Salvador Dali s'était engagé dans la guerre civile espagnole ? –, le duo de scénaristes (Fred Duval et Jean-Pierre Pécau) signe un récit haletant qui plonge le lecteur dans l'Europe de l'entre-deux-guerres, dans les pas des artistes du mouvement surréaliste.

Delcourt.