Musée du Louvre-Lens : du bonheur pour les sens
Aux antipodes du labyrinthique Louvre parisien, son petit frère lensois est un havre de paix à la japonaise, où une galerie du temps artistique épurée vous attend, s'ouvrant sur un immense parc. Visite, avec la complicité de Justine Canu, médiatrice culturelle, et Rémi Maillard, administrateur.
Au
cœur du bassin minier du Pas-de-Calais se trouve un lieu qui détonne
et étonne : le Louvre-Lens. Un musée qui vaut le détour tant
pour son architecture toute en transparence –
havre de paix à taille
humaine –, que pour ses expositions et sa célèbre galerie du temps.
Celle-ci permet d'avoir une vue sur «5
000 ans d'Histoire de l'art, presqu'en un coup d’œil»,
nous explique Justice Canu, médiatrice culturelle. «Cœur du
réacteur» muséographique, cet espace aux 250 œuvres sculpturales
et picturales seront renouvelées en septembre pour être remplacées
par un nouveau «best
of du musée du Louvre parisien».
Loin
du didactisme, la frise chronologique s'est faite discrète. Il y a
ainsi «autant
de chemins que de visiteurs»
pour traverser l'espace. On découvrira les similitudes entre un
sublime sarcophage médiéval et son voisin romain, un masque guinéen
de 50 kilos, ou encore un portrait de Dona Isabel de Requesens,
vice-reine de Naples, par Raphaël (voir encadré).
«Le
Louvre-Lens est autant un musée qu'un parc»
Le
musée propose également une visite de ses coulisses, via «la
mezzanine» depuis laquelle on peut apercevoir à travers un vitrage
l'entreposage des œuvres et ceux qui s'y attellent. Et bien
évidemment des expositions, dans le musée mais aussi dans le parc,
à l'instar d'une œuvre de Niki de Saint-Phalle, qui s'y installera
prochainement. «Le
Louvre-Lens est autant un musée qu'un parc»,
plaide Justine Canu. Retenu en 2005 parmi 124 candidatures, le projet
des architectes Kazuyo Sejima et Ryue Nishizawa de l’agence
japonaise SANAA était guidé par l’idée d’une transition douce
avec l’environnement, la recherche de transparence et l’ouverture
sur l’extérieur. Et quel extérieur ! Un lieu de promenade
prisé par les familles et autres joggers arpentant le «bois
pionnier», et de nombreuses manifestations,
parmi lesquelles «Parc en Fête».
Héritage minier et démocratisation culturelle
À l'opposé des grands ensembles verticaux souvent favorisés par les architectes contemporains pour les musées, SANAA a choisi une architecture très linéaire et horizontale, héritée des quartiers miniers, sur un seul niveau. La nature avait repris ses droits sur le site, y ont poussé des cerisiers issus des noyaux laissés sur la terre par les mineurs lors de leur pause déjeuner. Le bâtiment a en effet été construit sur une friche de vingt hectares, celle de l’ancien carreau de fosse des puits 9 et 9 bis, fermé en 1960...
Cet héritage minier et la volonté de démocratiser l'art dans une ville où il n'y avait jusque-là pas de musées, sont omniprésents. Et cela a fonctionné dès le début de l'aventure, bien avant l'inauguration de 2012. L'idée était alors de reproduire la délocalisation du Centre Pompidou à Metz. L'appel à manifestation d'intérêt à peine lancé, les Lensois étaient d'ores et déjà 3 000 à signer une pétition pour voir naître le projet, indique Rémi Maillard. Avec 13 médiateurs culturels et un travail «hors les murs», les habitants du bassin se prêtent désormais largement au jeu, profitant notamment de la gratuité de l'accès au parc et à la galerie du temps. Près d'un quart des 550 000 visiteurs annuels (chiffres 2023) sont des «locaux». «Les trois grands objectifs du musée étaient la démocratisation culturelle, la réinvention du Louvre et la redynamisation du territoire», résume l'administrateur du musée. Un pari réussi en beauté.
Le portrait de Dona Isabel de Requesens
Emblématique de la collection semi-permanente de la galerie du temps, le portrait de Dona Isabel de Requesens, vice-reine de Naples, par Raphaël, a quelque chose d'envoûtant. Longtemps appelée «Portrait de Jeanne d'Aragon», l’œuvre de 1518 aurait été commandée par le Pape Léon X pour être offerte comme cadeau diplomatique au roi François Ier. L'artiste joue des effets de lumière pour de forts contrastes : l'habillement de velours rouge intense et le décor sombre. Le vêtement porté par la vice-reine occupe près de la moitié de l'espace !