Planches d'histoires

Islander

Après Sangoma, le duo formé par Caryl Férey (scénario) et Corentin Rouge (dessins) signe le premier tome passionnant d'une trilogie sous haute tension. La BD s'ouvre alors que le continent européen est victime de catastrophes multiples. Des réfugiés venus de partout s'amassent au port du Havre, lieu de transit vers un hypothétique salut. L'Islande est encore épargnée, mais pour combien de temps ? Liam, qui a déjà tout perdu, va tenter sa chance en subtilisant le pass d'une migrante, sans savoir que l'Islande aussi se déchire à leur sujet. Ballotté dans le chaos du monde, Liam découvrira qu'il a pris la place d'une femme impliquée dans le mystérieux projet «Islander»... Ce récit haletant d’anticipation réaliste nous emporte vers des terres inhospitalières où espoir, conscience politique et drames intimes se côtoient. Un opus inaugural prometteur.

Islander - L'exil (Glénat).

L'abîme de l'oubli

Cette émouvante BD s'inscrit dans un nécessaire travail de mémoire sur les horribles exactions du régime franquiste en Espagne. Ce récit déchirant se passe à Paterna, petite ville située près de Valence, où 2 238 personnes y furent fusillées et enterrées dans des fosses communes, durant la guerre civile espagnole et les années de dictature qui suivirent. L'histoire oscille entre septembre 1940 avec l'exécution de José Celda et de onze autres hommes, et 2013 lorsque sa fille, Pepica Celda, âgée de huit ans au moment des faits, parvient à localiser sa dépouille puis à récupérer les restes de son père… Leoncio Badia Navarro, fossoyeur au moment des faits, enterra dignement les victimes de la répression en recensant leurs noms et récupérant leurs effets. Un travail d’anthropologie médico-légale pratiqué par le personnage d’Élisa, faisant ainsi le lien entre passé et présent. Bien au-delà de ses qualités graphiques – les dessins de Paco Roca sont épurés mais puissants –, ce roman graphique éclaire un épisode tragique grâce au travail de Rodrigo Terrasa (journaliste et scénariste) mais sécrète surtout une rare émotion dans sa volonté de ne jamais oublier ceux que l’Histoire a tenté d’effacer.

Delcourt/Mirages.

Gone with the wind 

Flamboyante adaptation de l'œuvre éponyme de Margaret Mitchell – Autant en emporte le vent en VF –, cette BD en deux volumes permet de la redécouvrir sous un nouvel éclairage. Ce second opus s'ouvre en février 1866 alors qu'Atlanta n’est plus qu’un champ de ruines, dévastée par un gigantesque incendie. Scarlett O’Hara, horrifiée par ce spectacle de désolation, parcourt les décombres avec Mammy, sa gouvernante. Finalement, les deux femmes arrivent devant la maison de Tante Pitty, miraculeusement épargnée par le feu. Lors d’une conversation avec elle, Scarlett apprend que le capitaine Rhett Butler est emprisonné à Atlanta, accusé du meurtre d’un homme noir. La tension envahit la ville, exacerbée par les activités du Ku Klux Klan... Outre un sens aiguisé du récit, alternant chronique épique et scènes intimistes où les atermoiements et inclinations inavouées entre Scarlett O’Hara et Rhett Butler exacerbent les sentiments amoureux, Pierre Alary vivifie le roman grâce à un dessin alerte à l'expressivité rare. Un diptyque intense magnifié par la palette audacieuse et singulière de Pierre Alary. 

Rue de Sèvres.

Le Fantôme de l'Opéra

Après L’Enfer de Dante ou Don Quichotte de Cervantès, Paul et Gaëtan Brizzi adaptent de nouveau un classique de la littérature, Le Fantôme de l'Opéra, brillante adaptation du roman éponyme de Gaston Leroux. Le récit s'ouvre alors que des événements surnaturels ont lieu à l’Opéra : le grand lustre s’effondre pendant une représentation et tue une spectatrice, un machiniste est retrouvé pendu... La direction doit se rendre à l’évidence : un fantôme ou un homme machiavélique nommé Erik hante le théâtre. Peu après, les directeurs de l’Opéra se voient réclamer 20 000 francs par mois de la part d’un certain «Fantôme de l’Opéra» qui exige aussi que la loge numéro 5 lui soit réservée. Dans les coulisses de l’opéra, le vicomte Raoul De Chagny est épris de Christine, une jeune chanteuse lyrique. Mais il ne supporte pas de l’entendre parler avec un autre mystérieux prétendant... Une superbe plongée dans le Paris de 1890, avec pour cadre l’opéra Garnier, le tout sublimé par un graphisme en osmose avec une histoire fantastique devenue un classique.

Futuropolis.

Le jour du caillou

Cette BD touchante suit les pas de Mona qui, chaque semaine, offre un spectacle d'acrobaties et de musique avec sa compagnie d'artistes. Mais depuis quelque temps, Mona n'arrive plus à réussir son numéro d'équilibriste... Et les encouragements de son amoureux Basile n'y changent rien. Mona pense à Eko, son ami de toujours qui a disparu de sa vie il y a quelques mois. Pour l'oublier, Mona décide de confier sa peine à un caillou et de le jeter dans une rivière. Mais sans le savoir, elle va plonger Eko dans une boucle temporelle dont lui seul a conscience. Commence alors un tout nouveau jeu d'équilibriste : chaque jour, Mona jette le caillou alors qu'Eko fait tout pour l'en empêcher. Un ouvrage sensible qui aborde avec mélancolie et pudeur, ponctué d'une touche d'humour, le thème universel de la rupture amicale.

Dupuis.