Bilan 2022 et perspectives 2023
Recyclage : des inquiétudes pour l'avenir
Chiffre d'affaires en hausse porté par les cours des matériaux, tonnages collectés en baisse. En 2022, le secteur du recyclage s'en sort bien, mais les perspectives sont inquiétantes d'après Federec, Fédération professionnelle des entreprises du recyclage.
Chiffre d'affaires en hausse, volumes en baisse. Le 11 octobre dernier, à Lyon, dans le cadre du salon Pollutec, Federec, Fédération professionnelle des entreprises du recyclage, a annoncé les résultats du secteur, lors d'une conférence de presse. «L’année 2022 a succédé à une année 2021 exceptionnelle. Nous sommes revenus à un niveau normal», a démarré François Excoffier, président de Federec.
À première vue, l'ensemble des indicateurs va dans le bon sens : le chiffre d'affaires a atteint 11,6 milliards d'euros (+7,7% par rapport à 2021), le niveau d'investissement a bondi (+20%), à 656 millions d'euros, soit environ 5,6% du chiffre d’affaires. Pour l'essentiel, ces investissements concernent la modernisation des outils de collecte et de tri. «La plupart de nos entreprises fonctionnent avec de l'énergie électrique. Cela a été très pénalisant et nous n'avons pas eu beaucoup de soutien. Nous sommes obligés d'investir dans des technologies qui permettent de consommer moins d'énergie», précise François Excoffier.
Autre chiffre en hausse, celui des effectifs : +5,5% pour ce secteur qui compte 34 400 salariés, travaillant dans 1 200 entreprises – le chiffre reste stable – parmi lesquelles 63% de PME, 15% des groupes régionaux, et 22% nationaux. Mais derrière cette croissance, l'année 2022 est marquée par une tendance inquiétante pour l'avenir du recyclage en France. En effet, la performance économique est liée aux «cours élevés des matières premières issues du recyclage, au premier semestre 2022», décrypte Manuel Burnand, directeur général de Federec. A rebours, les tonnages de déchets collectés ont baissé de 4,5% par rapport à l’année précédente, pour atteindre 33,2 millions de tonnes (hors déchets inertes et organiques). Cette diminution est liée à la baisse de la consommation et de l'activité.
Sidérurgie à l'arrêt, dégringolade du cours de l'aluminium
Derrière ces chiffres et ces tendances globales, les 12 filières du recyclage (BTP, palettes et bois, plastique, papiers-cartons, métal, verre...) connaissent des évolutions diverses en fonction de leur environnement spécifique. Exemple, avec deux des plus importantes de ces filières, celle des métaux ferreux (2,26 milliards d'euros) et celle des métaux non ferreux (4 milliards). Cette dernière a vu son volume de tonnage collecté (1,738 million de tonnes) chuter de 15% par rapport à 2021 pour retrouver un niveau pré-covid, notamment en raison du ralentissement dans le secteur du bâtiment et de la rénovation. La tendance s'est accompagnée d'une forte hausse des cours suivi d'une chute brutale (-30% pour l’aluminium), mais la rareté des matériaux a permis de maintenir des prix élevés.
Et au final, le chiffre d'affaires a augmenté de 1%. La filière métal, elle, a connu une baisse de 10% du tonnage collecté par rapport à l'année précédente ( 11,6 Mt). En outre, elle a été très impactée par les effets de la guerre en Ukraine et la crise de l'énergie. Les installations nécessaires au recyclage des ferrailles (cisailles, broyeurs) sont très consommatrices d'énergie. De plus, certains de ses clients, des sidérurgistes, ont fermé (totalement ou partiellement) pendant plusieurs mois leurs fours, cessant leur approvisionnement. Résultat : le chiffre d'affaires a baissé de 16,3%.
Autre trajectoire encore, celle de la filière papiers-cartons dont le tonnage collecté a diminué de 4,4% en 2022 (6,57 Mt). La baisse concerne pour une bonne partie les papiers graphiques ( touchés par la digitalisation), et elle n'a pas été compensée par la forte augmentation de la collecte de carton liée à l'explosion de e-commerce (+27%). Quant au chiffre d'affaires, estimé à 962 millions d’euros, il est en baisse de 8,5%.
Pour Federec, la diminution de la demande en MpiR, Matières premières issues du recyclage, est pour partie responsable de cette évolution. En effet, la baisse du volume des matériaux à recycler s’accompagne d’une augmentation des prix de ces matériaux recyclés qui les rend moins compétitifs par rapport aux matériaux vierges.
REP contestées, entrepreneurs pessimistes
Parmi les difficultés rencontrées par nombre de filières du recyclage figurent aussi évolutions législatives et organisation des REP, filières à responsabilité élargie du producteur. Le cas du bâtiment inquiète tout particulièrement Federec qui dénonce des «barèmes de soutien insuffisants proposés par les éco-organismes aux opérateurs de déchets». Le démarrage de la REP PMCB (bâtiment), initialement prévu le 1er janvier 2023 a été repoussé au 1er mai. Plus globalement, en 2022, «nos entreprises ont tenu face aux difficultés d'une législation qui évolue sans arrêt, et de la mise en place des nouvelles REP. Nous ne sommes pas contre les REP, certaines font très bien leur boulot. Mais nous demandons une pause, une suspension pour évaluer certains processus», a déclaré François Excoffier.
Pour l'année en cours et 2024, le sujet du cadre et de l'organisation de l'activité du secteur font partie des «points de vigilance» identifiés par la fédération. Plusieurs filières sont particulièrement concernées parmi lesquelles les métaux ferreux, papiers-cartons et plastiques. Et pour cette dernière, les professionnels redoutent la poursuite d'une tendance déjà initiée : l’effondrement de la demande des matières plastiques recyclées, boudées par les donneurs d'ordre au profit de matières vierges, dont le prix a baissé avec celui du baril de pétrole.
La conjoncture économique aussi inquiète concernant l'activité de l'ensemble des filières : si elle ne s'améliore pas, les entreprises vont rencontrer des difficultés pour vendre des matières premières recyclées. En tout cas, les dirigeants d'entreprise se méfient de l'avenir. 56% d'entre eux s'attendent à une année 2023 plutôt médiocre et 14% à une mauvaise année. Seules 27% espèrent qu’elle sera plutôt bonne.
A l'école du recyclage
Le premier catalogue de formations de l'École nationale du recyclage et de la ressource (EN2R) sera en ligne d'ici la fin du mois d'octobre, a annoncé Federec. L'établissement, basé près de Lille, a été mis sur pied en collaboration avec l'Afpa et le soutien financier de l’État (5,2 millions d'euros). « Nos métiers évoluent sur le plan technique et technologique, nous avions donc besoin de formations », explique Serge Ponton, responsable formation chez Federec. En outre, quelques 18 000 postes seront à pourvoir, à horizon 2030, dans le secteur, selon une étude du cabinet de conseil Kyu (2021).