Retour sur le Salon International de la Lingerie à Paris
À Paris, la dentelle des Hauts-de-France veut tenir à tout prix
Les dentelliers de Calais et de Caudry étaient présents au Salon International de la Lingerie & Interfilière qui s'est déroulé du 20 au 23 janvier dernier à Paris. Un évènement où la concurrence monte en qualité.
Dans les grands couloirs de Paris Expo Porte de Versailles, les mannequins déambulent en peignoirs avec leur café. C’est dimanche matin et les défilés de l’après-midi se préparent déjà. Les exposants sont là : lingers-corsetiers, créateurs de mode, spécialistes des dessous de bains, géants du luxe ou du prêt-à-porter. Et 4 des 7 derniers dentelliers français tiennent leur rang. Chez le Calaisien Darquer (qui continue de s’afficher en Noyon au salon), le stand est le plus grand. La situation industrielle reste complexe dans le groupe formé par Pascal Cochez et qui comprend les marques ou fabricants Noyon, Desseilles, Méry (à Caudry), Boot et Cosetex.
Plus loin, les Caudrésiens Bracq, Solstiss et Sophie Hallette ont la même surface. Rien ne fait bouger les dentelles exposées. «On échantillonne un peu, on prend des contacts, on intéresse à nouveau des clients qui ne venaient plus. Ça, c’est déjà très bien. Mais la situation reste difficile» explique Julien Bracq, quatrième génération du dentellier éponyme. On fait le tour de quelques enseignes «marquées» Dentelle française… Pas de dentelle tissée Leavers chez le géant Japonais Wacoal. Pas plus chez son confrère linger Huit, consommateur historique de Leavers. Chez Simone Pérèle, on nous dit qu’il y a quelques collections. Mais on ne les voit pas exposées. Idem chez Agnès Sarda. La plupart des lingers-corsetiers ne font plus guère leurs emplettes à Calais ou à Caudry.
Des volumes de commandes qui fondent
Dans les allées du salon, on croise deux anciens cadres-dirigeants de Noyon et Desseilles qui font stand commun, Jean Malraux, ancien DG de Desseilles et ex-président du Groupe Calais Dentelles et Michel Machart. «Presque tout tourne autour du prix. C’est très tendu» souffle ce dernier. À table, plusieurs asiatiques viennent se renseigner. Le respect des anciens est une arme commerciale puissante dans les sociétés asiatiques…
Chez les fabricants, la question du prix est un sujet sensible. Le secteur a vu sa production divisée par 3 ces 10 dernières années, franchissant un nouveau seuil qui fait - encore - craindre pour la survie de la filière. Les derniers fabricants ont des chiffres d’affaires qui oscillent entre 2 et 10 millions d’euros pour le plus important (Sophie Hallette). Personne n’a de bilan positif dans la profession. Les plus touchés sont peut-être les plus gros : Sophie Hallette (gourpe Holseco) à Caudry et Darquer à Calais. Un indice de la filière dit tout. «Aujourd’hui, la moitié des lots teintés font 5 kg» nous glisse un ancien cadre calaisien.
La teinture s’envole
En clair, les lots de dentelles sont majoritairement de petite taille. Donc les commandes sont petites. «Une belle commande aujourd’hui, c’est 4 000 ou 5 000 mètres...» soupire le même cadre. «Hier, c’étaient 50 000 mètres». Sur les stands des fabricants asiatiques, on observe des dentelles tricotées (qui imitent les leavers français). Même les experts ont peine à les différencier.
Les deux teinturiers de la filière (La Caudrésienne du groupe Holesco) et Chroma (groupe Solstiss) ont vu leur coût énergétique s’envoler les conduisant à relever plusieurs fois leur prix en 2022 auprès de leurs clients fabricants. Comment les dentelliers pourraient répercuter l’ensemble des hausses alors que la dentelle asiatique lui taille toujours des croupières ? «Nous, on y croit et on sera là jusqu’au bout» affirme Julien Bracq.
Erratum
Après la mise en ligne de notre article, la marque Aubade nous a fait savoir qu'elle commandait toujours de la dentelle Leavers à Calais et Caudry. C'est effectivement le cas depuis quelques années. Si elle s'est éloignée parfois de ses fournisseurs calaisiens ou caudrésiens, le linger-corsetier est revenu à ses premières amours. «La dentelle de Calais Leavers représente 10% de nos collections» précise Samar Vignal, directrice de Marque.