Sauvegarder l'article
Identifiez vous, pour sauvegarder ce article et le consulter plus tard !

Social

Emploi d’étrangers sans titre  : les contours de la nouvelle amende précisés

Le volet «travail» de la «loi immigration» du 26 janvier 2024 a modifié la sanction administrative prévue à l’encontre des employeurs d’étrangers sans titre les autorisant à exercer une activité salariée. Un décret du 9 juillet précise les modalités de cette nouvelle amende unique se substituant aux deux contributions précédentes, qui pouvaient être prononcées par l’Office français de l’immigration et de l’intégration.

Le nombre de sanctions pourrait augmenter. © nono
Le nombre de sanctions pourrait augmenter. © nono

Peu importe la régularité de la relation de travail stricto sensu, l’emploi d’un salarié étranger sans titre est une infraction. L’article L. 8251-1 du Code du travail est clair : «Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France». La même interdiction vaut également lorsque le salarié possède un titre, mais que l’employeur l’embauche pour une profession ou dans une zone géographique autres que celles mentionnées dans son titre. Ainsi, l’article L. 8253-1 du Code du travail sanctionne d’une amende administrative l’employeur qui embaucherait un étranger sans titre.

Le constat de travail pourra être réalisé par voie de procès-verbal lors d’un contrôle administratif (souvent effectué via les CODAF, Comité opérationnel départemental de lutte anti-fraudes). Mais la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 a étendu la faculté de constat non plus aux seuls procès-verbaux (principalement de la police, gendarmerie et inspection du travail), mais également aux rapports de l’inspection du travail, ce qui pourrait mathématiquement augmenter le nombre de sanctions de ce type.

La loi du 26 janvier 2024 pour «contrôler l’immigration, améliorer l’intégration» a également remis au-devant de la scène la notion de solidarité financière, jusque-là assez oubliée en la matière. Ainsi, un donneur d’ordre sera susceptible d’être condamné de la même amende pour des faits commis par son sous-traitant.

La procédure contradictoire 

Les procès-verbaux de constat ou rapports de contrôle sont ensuite transférés au ministre de l’Intérieur qui sera chargé de mener une procédure contradictoire.

Le décret du 9 juillet
précise que, «au vu des procès-verbaux et rapports qui lui sont transmis en application de l'article L. 8271-17, le ministre chargé de l'Immigration informe l'auteur du manquement, par tout moyen conférant date certaine, que la sanction administrative (…) est susceptible de lui être infligée et qu'il peut présenter ses observations dans un délai de 15 jours sur les faits qui lui sont reprochés». Ce courrier du ministre informera également l’employeur «de son droit de demander une copie du procès-verbal d'infraction ou du rapport sur la base duquel ont été établis les manquements qui lui sont reprochés». Faute de cette mention, la procédure sera viciée. Et lorsqu'une telle demande est formulée, le délai pour présenter des observations court jusqu'à l'expiration d'un délai de 15 jours à compter de la date de réception du procès-verbal.

Dans le délai prévu pour présenter des observations, l’employeur pourra également exiger d’être reçu par les services du ministre, afin de présenter des observations orales.

Le prononcé de l’amende

À l’issue de la période contradictoire, et en l’absence d’éléments à décharge de l’employeur, le ministre sanctionnera ce dernier. La sanction consiste en une amende administrative unique qui remplace les deux sanctions précédentes (contribution forfaitaire et contribution spéciale).

L’article L. 8253-1 du Code du travail énonce que «lorsqu'il prononce l'amende, le ministre chargé de l'Immigration prend en compte, pour déterminer le montant de cette dernière, les capacités financières de l'auteur d'un manquement, le degré d'intentionnalité, le degré de gravité de la négligence commise et les frais d'éloignement du territoire français du ressortissant étranger en situation irrégulière».

Le montant de l’amende est borné à un maximum de 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti (actuellement 4,15 €, soit 20 750 euros). Il peut être majoré en cas de réitération dans les cinq ans et est alors, au plus, égal à 15 000 fois ce même taux (soit 62 250 euros). L'amende est appliquée autant de fois qu'il y a d'étrangers concernés. Le décret précise, lui, que le montant maximum de l'amende administrative est réduit à 2 000 fois le taux horaire du minimum garanti lorsque l'employeur s'est acquitté spontanément des salaires et indemnités mentionnés à l'article L. 8252-2 du Code du travail.

Le montant des frais d'éloignement est fixé par arrêté du ministre de l'Immigration, en fonction du coût moyen des opérations d'éloignement et suivant les zones géographiques à destination desquelles les étrangers peuvent être éloignés.

Les voies de recours

Un employeur sanctionné pourra bien évidemment contester tant le principe que le montant de l’amende. Il pourra former à l’encontre de la sanction un recours gracieux ou contentieux, dans les deux mois de sa notification. Et, parallèlement, contester le titre de perception, contestation qui aura pour effet de suspendre le recouvrement de la créance.

De nombreux arguments peuvent être invoqués. La forme d’abord : la décision doit être motivée en droit comme en fait et comporter le nom, prénom et la fonction de son signataire. La procédure contradictoire doit avoir été respectée. Surtout, sur le fond, l’employeur pourra faire valoir l’absence d’élément intentionnel : il n’est pas rare que des étrangers se procurent de faux documents d’identité ou de faux titres de séjour. Enfin, il pourra également plaider l’absence de lien de subordination, éléments essentiels à caractériser l’existence d’une relation de travail.