Rencontre avec Julien Lagache, président d’Apesa Grand Hainaut
«L’objectif est d’intervenir en amont, avant qu’il ne soit trop tard»
Apporter une aide psychologique aux dirigeants d’entreprise en détresse, telle est la vocation du réseau Apesa. Rencontre avec Bruno Fontaine, président de la CCI Grand Hainaut, Julien Lagache, président d’Apesa Grand Hainaut, et Raymond Duyck, président du Tribunal de Commerce de Valenciennes.
Les fondateurs du dispositif que sont Jean-Luc Douillard, psychologue clinicien, et Marc Binnie, greffier associé du Tribunal de Commerce de Saintes, sont partis d’un constat simple : la mauvaise santé financière d’une entreprise, quelle que soit sa taille, a souvent un impact sur la santé mentale de dirigeants qui investissent non seulement des capitaux mais aussi leur vie personnelle dans l’aventure.
Accompagner la détresse…
Souvent exprimée à l’occasion des audiences devant le tribunal de commerce, lors des rencontres avec les praticiens des procédures collectives ou avec les conseils, cette souffrance, cette détresse liée souvent à l’échec entrepreneurial a très - trop - longtemps été ignorée. «Nous avons lancé l’antenne de Valenciennes, qui intervient sur l’ensemble du territoire, il y a 3 ans pour accompagner nos chefs d’entreprise confrontés à une détresse psychologique lors d’une liquidation, de la fin de vie de l’entreprise» explique Julien Lagache. «Leur vie privée est souvent liée à la vie professionnelle, on connait la solitude des dirigeants qui dans ces moments peuvent avoir des idées noires… l’objectif est d’intervenir en amont, avant qu’il ne soit trop tard. Les tribunaux ne peuvent pas les aider au-delà de la procédure, c’est pourquoi il fallait trouver d’autres moyens».
Soutenue par la CCI Grand Hainaut et le Tribunal de Commerce de Valenciennes, l’association Apesa Grand Hainaut est l’une des 96 antennes locales. Et pour détecter les dirigeants en détresse et les orienter vers les professionnels de santé, elles s’appuient sur un réseau de «sentinelles» : experts comptables, mandataires ou encore commissaires de justice. «Ce sont des lanceurs d’alerte qui gravitent autour de la vie de l’entreprise et ont suivi une formation adaptée, sans dénaturer leur fonction et ni devenir eux-mêmes des psychologues, pour être un relai vers les psychologues spécialisés qui ensuite prendront en charge la souffrance. L’idée est d'intervenir très rapidement, la prise en charge se faisant en moyenne dans les 30 minutes après l’alerte». L’association nordiste, qui compte à ce jour 45 sentinelles, prend ensuite à sa charge 5 consultations, libre ensuite à l’entrepreneur de poursuivre ou non le suivi.
… et rompre l’isolement du chef d’entreprise
Président de la CCI Grand Hainaut, qui soutient l’antenne de Valenciennes depuis sa création, Bruno Fontaine poursuit : «Il y avait un trou dans la raquette pour rompre l’isolement du chef d’entreprise qui ne se confie pas forcément à ses proches sur les difficultés qu’il rencontre dans sa vie professionnelle. C’est aussi pour cela que nous contribuons au développement des clubs d’entreprise, pour leur donner l’opportunité de partager leurs difficultés avec d’autres dirigeants auxquels ils vont se confier plus naturellement». Et Raymond Duyck, président du Tribunal de Commerce de Valenciennes, d’ajouter : «Un autre sujet concerne le monde agricole. Une réforme des tribunaux de commerce est en cours pour l'élargissement de leurs compétences à l'ensemble des procédures collectives, y compris agricoles, avec une expérimentation sur plusieurs territoires. Nous pourrions donc être en première ligne pour les aider avec Apesa, si l’expérience est concluante».
Depuis sa création, Apesa Grand Hainaut est intervenu auprès d’une quarantaine de chefs d’entreprise du secteur…. et auprès de 8 entrepreneurs depuis le début de l’année. «La conjoncture économique est compliquée, avec un nombre de défaillances en hausse et qui retrouve malheureusement un niveau élevé» précise Julien Lagache. «Nous avons donc besoin de dons et de davantage de sentinelles pour éviter les drames, les suicides comme il y a encore trop souvent, malheureusement». Et pour que l’échec ne soit que la première étape d’un rebond personnel ou professionnel.