Entretien avec Grégory Loyez, associé du cabinet Loyez à Marcq-en-Baroeul
«La facture électronique, une opportunité plutôt qu'une menace»
L'arrivée de la facture électronique dès 2026 et la place grandissante de la data amènent à une profonde transformation du métier d'expert-comptable. À Marcq-en-Baroeul, le cabinet Loyez qui vient de fêter ses 40 ans, a anticipé la vague du numérique qui s'apprête à déferler sur la filière. Éclairage avec Grégory Loyez, associé au cabinet Loyez.
Vous
venez récemment de célébrer les 40 ans du cabinet. Comment le
cabinet Loyez s'est-il adapté aux évolutions du métier ?
Le
cabinet Loyez a en effet été créé il y a 40 ans par mon père Guy
Loyez. De mon côté, j'ai rejoint le cabinet il y a 12 ans. La
relève se passe bien, preuve à l'appui : on est passé de 20 à
40 personnes sur les 10 dernières années. On est devenus un cabinet
d'expert-comptable atypique puisqu'on fait énormément de conseil en
gestion patrimoniale, gestion immobilière et transmission
d'entreprise (rachat, vente, levées de fonds, audit
d'acquisition...). Aujourd'hui, le conseil représente 20% de notre
chiffre d'affaires, ce qui est énorme par rapport à la moyenne du
marché (5%). Il y a 5 ans, nous avons opéré un important virage
technologique qui nous permet d'avoir des clients un peu partout en
France via le numérique, le scan et les outils de restitution. Nous
accompagnons aujourd'hui 2 000 clients dont 800 clients uniques.
Comment
se traduit concrètement votre «virage technologique» ?
Nous
avons beaucoup investi en informatique et en R&D via des
partenaires. On s'appuie sur l'IA, le learn-machine, sur le robot qui
va chercher les pièces, les traite et les saisit. On n'a plus qu'à
valider plutôt que de saisir. C'est un gain de temps précieux et
ça nous permet de nous concentrer sur des taches à forte valeur
ajoutée. Les investissements ont commencé il y a 4 ans, on est
passé de 50k€ à 120k€ par an de frais informatiques. Mais les
avantages sont multiples : automatisation, restitutions plus
simples aux clients, espace de partage collaboratif, gestion des
notes de frais en temps réel. On attire une clientèle qui a envie
de se digitaliser et l'idée c'est de l'accompagner dans sa
modernisation.
La
facture électronique entre en vigueur en 2026, en 2027 pour votre
cabinet. Quel regard portez-vous sur ce nouveau format
«Factur-X» qui représente un véritable tournant pour
la filière ?
C'est
une opportunité plutôt qu'une menace. Je pense que les
collaborateurs doivent prendre conscience que le métier va changer
et qu'il y de la place pour tout le monde. Notre métier est en
mutation depuis 5-6 ans. Ainsi, le cabinet a accéléré pour pouvoir
être prêt. Désormais, plutôt que de sortir mécaniquement des
bilans, on va proposer des analyses poussées : concurrentielles, des analyses de
marché, des analyses de données extra comptables et c'est, selon moi, une vraie valeur ajoutée. Cette
Factur-X ne nous fait pas du tout peur. Elle va pousser au contraire
nos collaborateurs à monter en gamme sur des sujets plus
intéressants, les fidéliser et les augmenter car ce sera des
missions à forte valeur ajoutée.
Une
formation est-elle nécessaire pour vos équipes ?
Bien
sûr ! L'Ordre des experts comptables propose des formations
dans le cadre de l'arrivée de la facture électronique. Notre
cabinet formera en interne à la fois nos collaborateurs et nos
clients. Il est vrai que les clients n'ont pas encore compris les
enjeux de cette captation de la TVA à la source, de cette
automatisation des flux, des crypts qu'on va recevoir. Nos logiciels
de facturation sont prêts mais aujourd'hui beaucoup de cabinets
n'ont ni logiciels de facturation ni logiciels de réception donc
c'est normal qu'ils soient inquiets. Notre cabinet a anticipé la
vague.
Quels
sont les objectifs de cette facture électronique ?
L'idée
première c'est qu'on passera désormais par une plateforme de l'Etat
qui collectera la TVA au moment du paiement. L'objectif ? Fluidifier et automatiser les flux facture-vente-achat, suivre les
délais de règlement, accélérer les process de paiement... Ca
permettra également de gagner du temps précieux pour l'analyse de
la data et ne pas courir après les clients pour la collecte des pièces comptables. On
va pouvoir communiquer aux clients les produits phares, la marge par
produit, une analyse plus fine du CA, l'évolution des prix d'achat
etc... On va pouvoir livrer des données plus fines et plus macro ce
qui n'était pas possible avant, en résumé, de l'extra comptable,
autrement dit de la donnée qui n'est pas que du bilan.
Quelle
est votre feuille de route à horizon 2025 et plus long terme 2030 ?
En 2024, nous lançons une offre RSE où l'on proposera un diagnostic, un plan d'actions, ainsi qu'un suivi chaque année de l'impact du plan d'action RSE. Nous souhaitons également continuer à rendre le métier intéressant pour nos équipes, limiter le turn-over, tout faire pour que nos collaborateurs soient contents de venir. Et, enfin, le cabinet a la volonté d'accélérer sur le conseil avec notamment une offre de mise à disposition de personnel à temps partagé (RH, social, DAF, contrôle de gestion...).