Entretien avec Emmanuelle Duez, fondatrice du cabinet de conseil et observatoire The Boson Project
«Le rôle du dirigeant aujourd'hui, c'est de réinventer un pacte social»
Lors de la 10ème édition de l'Université des entrepreneurs Hauts-de-France le 6 juillet à Marcq-en-Baroeul, la cheffe d'entreprise multi-casquettes Emmanuelle Duez – elle est la fondatrice du cabinet de conseil et observatoire The Boson Project, de l'association Youth Forever et de la start-up edtech Bugali – viendra interroger le public sur les conditions d'un nouveau pacte générationnel et les défis multiples du futur du travail.
La Gazette Nord Pas-de-Calais : Quels sont les enseignements qui ressortent des études menées dans le cadre de votre observatoire sur le futur du travail, The Boson Project ?
Emmanuelle Duez : Il y a
clairement des problématiques de compréhension du rapport au
travail, au-delà de ceux de l'attraction et de la rétention des
talents. La génération des millenials avait déjà induit, à
l'intérieur même de l'entreprise, une horizontalisation des
rapports de force et une exigence managériale très forte. La
pandémie a accéléré la transformation du travail mais aussi une
érosion de l'engagement. Et la Génération Z, qui représente 32%
de la population mondiale, à l'intérieur de laquelle se trouve la
Génération Climat, voit l'entreprise comme le premier territoire
d'impact.
Cela veut donc dire que ces jeunes ont envie de s'engager ?
Pour eux, l'enjeu est d'accompagner la
transformation de la société, d'abord au niveau du climat mais
aussi au sein même du modèle économique. Sur les 100 plus grandes
organisations mondiales, 89 sont des entreprises : les sujets de la
transformation du monde de l'énergie, de l'agroalimentaire, du
luxe... sont des thématiques économiques et non politiques ! Il
y a une incompréhension : on dit que cette génération n'a plus le
goût à l'effort mais en réalité elle est prête à s'engager sans
aucune retenue à partir du moment où elle est engagée sur des
postes de transition.
N'est-ce pas encore plus exigeant pour une entreprise ?
En effet, mais c'est aussi beaucoup
plus puissant parce que si l'entreprise comprend profondément cette
jeunesse, non seulement elle pourra la retenir en la positionnant sur
les bonnes trajectoires mais elle pourra aussi faire monter en
puissance des cohortes internes pour accompagner la transformation
des business modèles.
Les entreprises ont pris la mesure des
trois dimensions de la performance de demain – People, Planet,
Profit – mais le point d'interrogation est de savoir qui va mener
cette transformation. Il faut déconstruire les idées reçues, du
côté des dirigeants et des ressources humaines, et préparer une
génération – qui reste très jeune – à s'exprimer, convaincre, écouter la complexité de l'entreprise.
Quels conseils pourriez-vous donner à un(e) dirigeant(e) qui a envie de faire confiance à un jeune ?
Prendre conscience que la jeunesse n'est pas un tout et qu'au sein de cette génération, il y a la solution à la transformation des business. Mais aussi regarder avec des lunettes roses la jeunesse dans sa propre entreprise, oser un appel à candidatures sur des projets stratégiques de transformation, oser faire confiance mais sans pour autant être aveugle ou naïf...
De tous temps, l'intergénérationnel a
été un sujet, il faut que chacun fasse un pas vers l'autre. Du côté
de la jeune génération, c'est prendre la mesure de l'immensité
des sujets, apprendre à écouter plutôt que de revendiquer, apprendre la gestion de projets complexes et du côté des baby-boomers,
c'est prendre conscience des œillères que l'on peut avoir et de
fausses idées que l'on a pu se forger. Mais ce n'est pas si simple
et les dirigeants peuvent être désarmés face à l'immaturité de
cette génération.
Le rôle du dirigeant aujourd'hui,
c'est de réinventer un pacte social, loin des rapports humains de
plus en plus individualisés. Il faut prendre le contre pied et
proposer des pactes collectifs modernes.