Le tourisme de savoir-faire en plein essor
En 2022-2023, pour la première fois, le tourisme de savoir-faire est inscrit dans le schéma de développement touristique de l’ensemble des régions. L’association nationale de la visite d’entreprise «Entreprise et Découverte» œuvre pour le développement de cette nouvelle offre culturelle française. Décryptage d’une tendance qui prend de l’ampleur.
Vingt
millions
d’entrées en 2022, soit une augmentation de 40% en trois ans.
«Les
Français redécouvrent les entreprises de leurs territoires, une
relation de confiance s’engage»,
note avec satisfaction l’observatoire « Entreprise et
Découverte » qui vient de révéler
les
chiffres des visites d’entreprise. Quelque 3 500 entreprises
se seraient ainsi prêtées au jeu en 2022, soit une augmentation de
75% en trois ans. «La
France affirme et renforce sa place de leader de la visite
d’entreprise, une véritable exception économique et culturelle
française»,
révèle le rapport. Au même titre que les touristes vont découvrir
musées et châteaux, ils visitent des entreprises porteuses de
savoir-faire qui constituent la richesse et le patrimoine de la
France.
Centre de profit, outil de recrutement
Au-delà
de participer à la promotion du «pays France», le
tourisme de savoir-faire constitue aujourd’hui un nouveau centre de
profit pour ces entreprises. Pour 70% d’entre elles, l’enjeu
commercial est une priorité. Les PME espèrent ainsi accroître
leurs marges. Avec un tarif moyen de visite à 9 euros, contre 5,90
en 2020 et 3 500 visiteurs par an, en moyenne, les entreprises y
trouvent leur compte. D’autant que 85% d’entre elles détiennent
une boutique et que le rapport observe une augmentation de 30% du
panier moyen post-visite,
comparé aux achats effectués sans visite préalable de
l’entreprise. Certaines réalisant jusqu’à
50% de leur chiffre d’affaires via la visite
d’entreprise (comme la parfumerie Fragonard, Confiserie des
Hautes-Vosges, Verrerie de Biot…).
Outre
cet apport financier, c’est un outil privilégié pour accroître
leur notoriété et éventuellement attirer des jeunes dans leurs
métiers, alors que de nombreux secteurs peinent à recruter de
nouveaux talents. L’attractivité des métiers est ainsi mentionnée
par 50% des entreprises engagées –un chiffre qui est en constante
augmentation. La visite d’entreprise permet ainsi de faire
découvrir in situ les métiers, d’engager un dialogue
direct entre les salariés et les jeunes.
D’autant que pour plus de
55% des entreprises, les familles constituent le premier public, la
visite d’entreprise intéressant petits et grands. Un moyen pour
les jeunes de découvrir les savoir-faire français, l’univers de
l’entreprise et de comprendre ses métiers. Et pour les
entreprises, de démontrer au public leurs valeurs et leurs
engagements sociétaux, environnementaux et le «fabriqué en
France». C’est notamment le cas pour Ethiquable
(produits bio commerce équitable) dans le Gers, Le Roy René
(confiserie) à Aix-en-Provence ou l’Atelier Tuffery
(textile), dans les Cévennes…
Un public régional
Pour
70% des entreprises, le premier public est composé des visiteurs de
la région. «Le tourisme de savoir-faire est un tourisme de
proximité. Il permet une reconnexion forte des habitants avec leurs
entreprises». Outre le fait qu’ils renouvellent leurs
visites, ils deviennent ambassadeurs des entreprises de leurs
territoires. En outre, cela permet de lisser les visites tout au long
de l’année. «Près de 50% des entreprises reçoivent
régulièrement des visiteurs sur les ailes
de saisons participant ainsi à la déconcentration des
flux sur la période estivale», note l’observatoire. 18%
des visiteurs sont des touristes étrangers (contre 21% en 2019) que
65% des entreprises sont en capacité d’accueillir (contre 55% en
2019). «Un résultat très satisfaisant compte tenu de la
situation internationale contrainte en 2022. Cela confirme le
caractère attractif du tourisme de savoir-faire à la française»,
note l’observatoire.
Les grandes entreprises s’y mettent aussi
La
visite d’entreprise semble « l’outil
privilégié des petites et moyennes entreprises ».
Ainsi ce sont 94% de TPE-PME, contre seulement 6% d’ETI et de
grandes entreprises, qui ont ouvert leurs portes au public, l’an
dernier.
Néanmoins, 2023 est marquée par l’arrivée de grandes
entreprises, telles que Renault, Stellantis, Bonduelle, Petit Bateau,
Danone, Boursin… A noter qu’en termes d’ancienneté, près de
la moitié (48%) des entreprises visitées ont plus de 50 ans – une
part en augmentation constante– et 28% même 100 ans et plus. «Le
tourisme de savoir-faire confirme son ancrage territorial,
patrimonial et culturel. 40% des entreprises disposent d’un musée
d’entreprise, en complément de leur offre de visite»,
détaille l’étude.
En
termes de secteur, l’agroalimentaire arrive
toujours
en tête des entreprises les plus engagées (38%). Cependant, deux
secteurs progressent par rapport à l’observatoire 2020, les
«vins,
bières
et spiritueux» (24%)
et la
«mode
et cosmétique»
(9%). Autres secteurs qui se montrent «ouverts»,
l’industrie, énergie et environnement (15%) et l’artisanat et
métiers d’art (14%). Première entreprise la plus visitée, EDF,
avec quelque 500 000 entrées en 2022. Autres entreprises qui
tirent ce
tourisme,
la verrerie de Biot dans les Alpes-Maritimes, avec 450 000
visiteurs ; la confiserie des Hautes-Vosges à
Plainfaing
(260
000 visiteurs)
et la
Cave
de Gan Jurançon. Néanmoins, les TPE tirent elles aussi leur épingle
du jeu. C’est notamment le cas de la ferme des Cara’meuh !
à
Vains en Normandie qui totalise 70 000 visiteurs, de la
savonnerie marseillaise de la licorne (69 370
visiteurs)
ou encore des Fontaines pétrifiantes de Saint-Nectaire en
Auvergne-Rhône-Alpes (63
000)
et de l’Atelier du piment à Espelette en Pays
Basque,
avec 60 000 visiteurs.