Une filière en mutation
Les campings, grands gagnants dans la crise ?
Les campings ont mieux traversé la crise que l'hôtellerie et s'attendent à une forte fréquentation cet été. L'épisode pourrait accélérer la mutation de ce secteur, déjà premier hébergeur du pays, et qui répond au désir de nature des Français. Un potentiel de développement pour les territoires ruraux.
Par rapport à l'hôtellerie, sinistrée, le camping se sort plutôt bien de la crise. Celle-ci pourrait même représenter une opportunité de croissance. La FNHPA, Fédération nationale de l'hôtellerie de plein air, qui représente les gestionnaires de terrains de camping, tenait récemment sa conférence de presse annuelle. Le thème : «Camping 2021 : de solides atouts pour la reprise». En 2020, rappelle Nicolas Dayot, président de la FNHPA, «nous avons souffert, en perdant 16% de la fréquentation sur l'été. C'est une mauvaise année, mais le camping a montré sa résilience et la clientèle domestique nous a sauvés».
Début juin 2020, en effet, ces établissements ont pu rouvrir, dans le cadre d'un protocole sanitaire conçu par les professionnels et validé par le gouvernement. Ainsi, sur la période estivale (juillet, août et septembre) le nombre de nuitées passées en camping a atteint 84% de son niveau de 2019. Une performance enviable, pour ce secteur qui représente le premier hébergement en France et 22 millions de visiteurs annuels, dont 70% résident dans l'Hexagone. Toutefois, nuance Nicolas Dayot, «pour certains campings, qui peuvent compter jusqu'à 80% de clients britanniques par exemple, l'année a été catastrophique».
Ce printemps 2021 a confirmé l'attrait des campings pour les Français. En dépit d'une météo défavorable, pour les week-end de l’Ascension (13-16 mai) et de la Pentecôte (22-24 mai), ils se sont remplis à un taux «satisfaisant» de 60%, d'après la FNHPA. De fait, cette solution d'hébergement cumule plein air et contacts sociaux très limités, correspondant aux aspirations des Français soucieux d'éviter la contagion. «Les clients ne voulaient prendre aucun risque sanitaire. De plus, après le confinement, ils avaient besoin de prendre l'air», analyse Nicolas Dayot. À cette occasion, le camping a gagné une nouvelle clientèle de vacanciers qui n'ont pas pu partir à l'étranger.
L'été s'annonce bien
La bonne tenue des campings se confirme pour cet été. D'après les réservations réalisées début juin, la fréquentation en juillet-août devrait être similaire à celle de la saison estivale de 2019, voire légèrement supérieure. Et les campings sont prêts à accueillir les visiteurs : le protocole sanitaire, rodé, n'a que peu évolué. Parmi les changements toutefois, «l'autodiscipline collective a tendance à diminuer, donc, nous avons renforcé les possibilités de sanction en cas de non respect du règlement», précise Gé Kusters, vice-président de la FNHPA.
Et si les Français devraient continuer à représenter l'essentiel de la clientèle, la FNHPA s'attend au retour des étrangers. Ces derniers viennent principalement des pays limitrophes, Belgique, Allemagne et surtout, Pays-Bas. La principale incertitude concerne les Britanniques, le Royaume-Uni étant classé «orange» par la France, ce qui complique la venue de ses ressortissants.
Quant aux destinations choisies par les vacanciers, «les valeurs sûres le restent. Les Français ont réservé sur l'intégralité du littoral. Mais ce qui est nouveau, c'est, dans le sillage de l'an dernier, le succès des départements ruraux de l'intérieur. Cette crise fait ressortir une tendance de fond que l'on percevait depuis plusieurs années», commente Nicolas Dayot. Par exemple, pour cet été, le Cantal a enregistré une augmentation de 87,2% de ses réservations par rapport à 2019, les Alpes-de-Haute-Provence, +64,1%, et le Puy-de-Dôme, +48,6%. Il reste néanmoins une ombre – non négligeable – au tableau : les jauges et autres contraintes sanitaires vont entraver certaines activités, sources de revenus pour les campings. Le chiffre d'affaires de l'année 2021 devrait s'en ressentir et rester à un niveau inférieur à celui de 2019, redoute la FNHPA.
Le camping, locomotive pour les territoires ruraux
Mais l'enjeu, pour la FNHPA, dépasse les résultats de l'année 2021, pour engager l'avenir de la profession. Il s'agit de faire «de la crise une opportunité», pour Nicolas Dayot. Et notamment, pour les campings, de conserver ces nouveaux clients, plutôt aisés, qui ont découvert l'hébergement de plein air à l'occasion de la pandémie. «C'est une clientèle qui a des attentes particulières, qui va nous obliger à nous transformer», note Nicolas Dayot. Monté en gamme, développement d'une offre de séjours répondant à une éthique de développement durable...
Depuis plusieurs années, déjà, une partie des campings a amorcé sa mutation. Avec, par exemple, le développement du "glamping" (contraction de glamour et camping), qui consiste à proposer des séjours dans des hébergements insolites très confortables, "bulles" transparentes ou yourtes (draps fournis). D'autres s'inscrivent dans la tendance du "slow tourism", – la FNHPA parle de "slamping" –, avec respect de l'environnement (toilettes sèches, potager commun...), découverte du territoire environnant...
La pandémie pourrait-elle booster ce changement ? Nicolas Dayot en appelle à la mise en place d'une «stratégie qui encourage cette tendance, qui correspond aux objectifs français d'un tourisme durable». Au delà des campings eux-mêmes, il y a là un enjeu de développement pour les territoires ruraux, rappelle la FNHPA. Les campings investissent entre 600 et 700 millions d'euros par an et peuvent irriguer une économie locale de petits commerces, prestataires de service ( location de vélo...) et sites touristiques.
Par exemple, d'après des études citées par la FNHPA, dans le Var, les campings représentent 1 574 emplois directs, et leur activité en soutient 3 283 de plus. Celle-ci génère 110 millions d'euros directs, et 72 millions, indirects. En Auvergne-Rhône-Alpes, les campings emploient 6 500 personnes, et versent environ 7,5 millions d’euros d'impôts locaux annuels. «Des départements se rendent comptent qu'ils ont du potentiel, mais que leur équipement de camping n'est pas valorisé et va demander des investissements», explique Nicolas Dayot.