Entretien avec Olivier Péronnet, président de la Compagnie Nationale des Experts-comptables de Justice
«Notre mission vise à donner une information ou un éclairage au juge»
À l'occasion du 61ème congrès national des experts-comptables de justice qui se déroule à Lille du 12 au 14 octobre prochains, Olivier Péronnet, président de la Compagnie éponyme depuis bientôt quatre ans, revient sur les enjeux de ces professionnels du chiffre et du droit qui assistent les magistrats en cas de contentieux.
La Gazette Nord Pas-de-Calais : Comment les professionnels peuvent-ils devenir expert-comptable de justice ?
Olivier Péronnet : Pour être expert-comptable de justice, il faut donc être inscrit sur une liste de cour d'appel, éventuellement ensuite, demander à être agréé par la Cour de cassation. Il est nécessaire d'avoir les diplômes requis et de pouvoir faire valoir une expérience voire une notoriété au travers de publications par exemple.
La Compagnie regroupe 400
experts-comptables de justice, ce qui en
fait la plus importante compagnie des professionnels du chiffre. Nous
sommes constitués de 14 sections – dont
celle d'Amiens, Douai, Reims pour les Hauts-de-France – qui
couvrent l'ensemble de la métropole et de l'Outre-Mer.
Quelles sont les principales missions de la CNECJ ?
Elle fait le lien avec l'institution
judiciaire. Elle intervient par exemple dans l'instruction des
dossiers d'inscription auprès des cours d'appel et organise des
échange avec les magistrats. Elle publie les
actes de ses congrès annuels, et des brochures techniques pour aider
les experts mais aussi les parties et leurs conseils. Elle définit
une déontologie pour mettre en œuvre l’obligation
d'indépendance et d'objectivité car la mission
de l’expert judiciaire ou de partie vise à donner une information
ou un éclairage au juge.
Nous avons créé un institut de
formation, CNECJ Formation, qui dispense, au bénéfice des
experts-comptables de justice, de modules de formation qui permettent
de se tenir aux meilleurs standards professionnels possibles, de
suivre l'actualité de la jurisprudence et de s'améliorer sur des
techniques sur diverses thématiques de nos métiers. L'audience de
CNEJC Formation a vocation à s'élargir aux collaborateurs qui ne
sont pas encore experts-comptables de justice ainsi qu'aux avocats ou
d'autres professions.
Sur quels types de contentieux un expert-comptable de justice peut-il être mandaté ?
C'est très divers. Cela peut être sur l'évaluation de préjudice suite à un sinistre industriel, à une rupture contractuelle, une pratique anticoncurrentielle... mais aussi sur des contentieux d'évaluation de conséquences de dommages, contractuels ou civils ou encore des évaluations de droits sociaux, ou encore des cas de mise en œuvre de garanties de passif.
En clair, nous apportons aux parties un
processus qui garantit l'égalité des armes au juge, un éclairage
technique qui lui permet de prendre une décision.
Du 12 au 14 octobre prochains, vous vous réunissez à Lille autour du thème «La CNECJ : des experts du chiffre et de l'économie au service de la justice du XXIème siècle». Selon vous, quels sont les prochains défis de votre profession ?
Le besoin d'experts du chiffre s'est
considérablement accru pas tant en contentieux que sur des modes
alternatifs de règlement des différends : il y a un réel besoin de
tiers de confiance. C'est exactement le titre de notre congrès :
avoir une légitimité technique, une indépendance réelle et une
capacité à procéder de façon rapide permette de répondre le
mieux possible aux besoins de la justice du XXIème
siècle.
À Lille, nous allons également faire
un point sur le travail technique et les perspectives. Le besoin
d'élaboration d'une doctrine claire est illustré par l'initiative
de la cour d'appel de Paris avec les fiches
méthodologiques qui ont une très large diffusion désormais. Nos propres
brochures et notre institut de formation visent à animer et relayer
celles-ci pour améliorer l’efficacité et la rapidité de la
justice.
Notre collaboration est active pour
trouver des solutions ; on pense à la consultation qui peut
permettre de donner plus vite un avis au juge, et de calibrer la
mission pour intervenir dans un délai compatible avec les enjeux du
procès.
Le digital est-il une solution pour justement, éviter une justice trop longue ?
Ce qui est certain, c'est que le
digital est présent à tous les niveaux, entre les juridictions, les
parties, les experts et les avocats. La plateforme Opalexe, sous
l'égide du ministère de la Justice, permet à tous de communiquer
de façon sécurisée. Cela nous fait gagner du temps, assure
une communication non contradictoire et permet de procéder aux actes
judiciaires. En tant qu'experts, nous devons être à la pointe dans
l'utilisation de tous les outils de base de données financières.
De façon plus générale, quelle est votre vision de la situation économique post-Covid ?
Suite au Covid, on a pu observer le
contentieux des professionnels du tourisme et de la restauration,
avec les assureurs suite aux fermetures pour des raisons
administratives. Le nombre de défauts des entreprises durant cette
période s'est réduit, grâce aux aides. En revanche, depuis
quelques mois, on observe une accélération des cas de difficultés
et de défaut.
Quelle réponse pouvez-vous apporter à ces difficultés ?
Toutes les missions des contentieux dans le cadre de transactions continuent d'être présentes même si cela s'est ralentit avec l'inflation. Pour les entreprises en difficulté, le mot d’ordre c’est d’aller rapidement pour faire le bon diagnostic et trouver les solutions adéquates.