Rencontres régionales de l'économie
2023, année à petite vitesse et 2024 en dents de scie
«Assez contrasté» : le bilan dressé par les chambres consulaires pour l'année 2023 n'est pas vraiment réjouissant, entre inflation et baisse de la consommation. Les chefs d'entreprises restent très prudents sur 2024.
L'économie régionale n'est toujours pas sortie des polycrises. Et même si 2023 avait commencé par un premier semestre plutôt dynamique, le ralentissement de l'activité n'a pas permis à l'économie de rester en progression. Le constat est identique en Hauts-de-France comme l'explique Carine Jupin, directrice de la Banque de France : «2023 a été une année au ralenti».
L'industrie, d'ordinaire dynamique, affiche aussi des signaux d'alerte : les effectifs se sont contractés de 1,3% et c'est principalement l'intérim qui en a subi les conséquences. Si le chiffre d'affaires a progressé de 1,2% en 2023, il faut regarder cette donnée au regard de l'effet de la hausse des prix.
Les
services marchands et le BTP se sont mieux portés : +3,5% du chiffre
d'affaires pour les services marchands, +1,7% pour les transports et
de belles performances pour le BTP. «Les
entreprises ont vécu sur les carnets de commande longs, qui ont
permis un maintien de la rentabilité. Mais aujourd'hui, c'est plus
compliqué de faire passer des hausses de prix»
tempère Carine Jupin.
Industrie
en demi-teinte
Néanmoins,
les prévisions pour 2024 en termes d'investissement sont
prometteuses : +7,2% (contre -4,1% en 2023), même si des disparités
sectorielles se font ressentir avec les industries agroalimentaires,
les équipements électriques et électroniques ou encore la
fabrication des matériels de transport et l'industrie
pharmaceutique qui se portent mieux que le travail du bois, du papier
et imprimerie, que l'industrie chimique ou encore la métallurgie. À
eux trois, ils enregistrent des baisses de leurs chiffres d'affaires
et de leur part à l'export.
Le
BTP conserve de son côté une stabilité même si l'on peut craindre
que les effets de la crise du logement se fassent sentir dans les
prochains mois. Les effectifs sont en légère hausse (+0,4% en 2024
contre -2,5% en 2023).
L'agriculture
à la peine
Sans
surprise – et les récentes manifestations l'ont montré sans
détours –, les agriculteurs sont plus qu'inquiets et subissent la
hausse du coût de l'énergie et des engrais (+19,1%). Les
incertitudes planent notamment sur les exploitations de grande taille
et notamment les céréales et les oléagineux/protéagineux dont les
prix sont en chute (respectivement -28,4% et -24,8%).
«Un
agriculteur sur deux estime que sa situation économique s'est
dégradée en 2023»
détaille Pascale Nempont, cheffe de service stratégie et prospective
à la Chambre Régionale d'Agriculture. Parmi les inquiétudes des
agriculteurs pour l'année 2024 : l'évolution des prix agricoles,
les politiques, les marchés mondiaux ainsi que la mondialisation.
«Il
y a clairement un malaise du monde rural et on a pu le voir avec les
derniers blocages. L'agriculteur n'est pas un anti-écologiste, il
vit avec l'écologie mais le vivant ça ne se gère pas avec des
normes. En fait, on fait face à des injonctions contradictoires»
rappelle Laurent Degenne, président de la Chambre Régionale
d'Agriculture Hauts-de-France.
Les
entreprises artisanales en grande difficulté
Du
côté de l'artisanat – 130 000 entreprises dans les
Hauts-de-France, majoritairement moins de 10 salariés –, difficile
de retrouver le niveau d'avant-crise et depuis 4 ans, les
entrepreneurs courent après la rentabilité et tout simplement,
essaient de survivre. À l'exception du bâtiment, tous les artisans
ont manqué d'activité en 2023.
«Les
entreprises artisanales sont en très grande difficulté. Elle sont
écrasées par les charges encore plus qu'hier, par les impôts et
par les normes. Ça fait 4 ans que les entreprises prennent dans leur
trésorerie» martèle
Laurent Rigaud, président de la Chambre des métiers et de
l'artisanat. Très peu sont optimistes pour 2024 et que ce soit dans
l'alimentaire, la production, le bâtiment et les services, toutes
craignent une stabilité voire une baisse de l'activité en 2024.
Rien qu'en Hauts-de-France, 300 boulangeries ont fermé leurs portes
en 2023.
Un
«plan Marshall de l'eau»
Ces Rencontres régionales de l'économie ont été l'occasion pour les organismes consulaires – CCI Hauts-de-France, Chambre des Métiers et de l'Artisanat, Chambre d'Agriculture – de lancer un plan d'attaque autour de la gestion de l'eau. «Je n'avais jamais vu autant de chefs d'entreprises en souffrance» regrette Philippe Hourdain, président de la CCI Hauts-de-France, faisant écho aux inondations dans le Pas-de-Calais.
Priorité majeure dans la stratégie des entreprises, la consommation
et la gestion de l'eau deviennent des enjeux indispensables et les
entreprises doivent s'y atteler dès aujourd'hui. Mais selon une étude de
la CCI, 79% des entreprises considèrent que la raréfaction est un
sujet pas ou peu important pour leur entreprise.
«C'est plus qu'un plan stratégique, c'est un regroupement d'initiatives», précise Philippe Hourdain. Concrètement, il s'agira de travailler sur un plan de recherche sur la résistance des plantes, sur la réserve utile du sol, sur la réutilisation de l'eau ou encore la recharge des nappes. «Tout l'enjeu est de transformer les contraintes en projets. L'écologie ou la lutte contre le réchauffement climatique engendrent des coûts supplémentaires, des normes, des efforts à réaliser... Mais il faut en faire un socle d'unité territoriale» a souligné l'économiste François Gemenne, expert auprès du GIEC et grand témoin de ces Rencontres régionales de l'économie.