Entretien avec Frédéric Tilly, nouveau président de la Compagnie Régionale des Commissaires aux Comptes des Hauts-de-France
«L'IA ne fait pas tout. Il faudra toujours l'intervention humaine»
Depuis le 1er novembre 2024, Frédéric Tilly est le nouveau président de la Compagnie Régionale des Commissaires aux Comptes (CRCC) des Hauts-de-France. Très investi au sein des différentes institutions et aujourd'hui à la tête du cabinet Tilly et Guérin et du cabinet d'audit GT Audit et Conseil, à Compiègne, il compte emmener la profession vers les mutations liées à l'intelligence artificielle, sans oublier les missions de durabilité pour lesquelles les commissaires aux comptes sont parties prenantes.
La Gazette Nord-Pas-de-Calais. Quel est votre parcours ?
Frédéric Tilly. Je suis originaire de Lorraine mais j'ai grandi en Champagne. J'ai été diplômé à Compiègne, où je me suis installé à mon compte en 1996. Je suis aujourd'hui associé, avec Richard Guérin et Audrey Lamart, au sein du cabinet généraliste Tilly et Guérin ainsi qu'au sein de GT Audit et Conseil, à Compiègne. J'ai assez rapidement adhéré à un syndicat et j'ai commencé à avoir un parcours d'élu au sein de l'Ordre des Experts-Comptables de Picardie/Ardennes pour lequel j'ai été président de 2014 à 2016. Je suis inscrit depuis 1992 à la CRCC d'Amiens, rattachée ensuite à la CRCC des Hauts-de-France lors de la fusion. De 2020 à 2024, j'ai été premier vice-président de Grégory Mouy, à qui je succède aujourd'hui !
Je fais partie également partie de la
Commission Ethique Professionnelle de la CNCC (Commission Nationale
des Commissaires aux Comptes) depuis 2020. C'est un sujet qui m'a
toujours intéressé : l'éthique dans les affaires, dans les
cabinets, dans nos missions...
Dans quels enjeux souhaitez-vous inscrire votre mandat ?
J'ai envie de poursuivre ce qu'a déjà initié l'équipe de Grégory Mouy. Pour rappel, la Compagnie des Hauts-de-France couvre le territoire des cours d'appel d'Amiens et de Douai, qui regroupent 591 commissaires aux comptes et 389 cabinets.
Sur les grandes lignes de mon mandat,
nos objectifs sont dans un premier temps, de se faire connaître et
reconnaître auprès des milieux professionnels, syndicaux,
politiques et patronaux. On est une profession trop souvent
considérée comme une profession comptable alors que nous avons
d'autres missions.
Mais ce sera également assurer
l'avenir des cabinets de notre profession en s'adaptant aux nouveaux
enjeux, que ce soit les enjeux ESG (Environnementaux, Sociaux et de
Gouvernance) ou l'intelligence artificielle, la cybersécurité...
Justement, lors des dernières assises de la profession, qui ont eu lieu à Grenoble en décembre dernier, le thème choisi était «IA et confiance» et les mutations engendrées pour l'audit.
Il est clair que l'on va avoir besoin de nouvelles approches et de nouveaux métiers comme des data analyst et des data scientist... Aujourd'hui avec l'arrivée de la facture électronique, beaucoup de tâches vont être automatisées, il va falloir aller chercher la donnée, la traiter et l'utiliser. Tout est prêt pour la facturation électronique qui va bouleverser nos interventions et notamment l'analyse du contrôle interne. Je le rappelle, au 1er septembre 2026, les grands groupes devront être capables d'émettre et de recevoir de façon dématérialisée les e-factures mais les petites entreprises devront elles aussi au 1er septembre 2026, être capables de les réceptionner. Et au premier septembre 2027, toutes les sociétés devront émettre et recevoir.
«Le commissaire aux comptes est un peu comme une vigie»
Pour nous, cela va sans doute
simplifier la gestion des données comptables : nous aurons par
exemple plus de facilités à nous assurer que l'ensemble du chiffre
d'affaires est bien comptabilisé. Mais il faudra toujours une
intervention humaine et des procédures de validation, l'IA ne fera
pas tout. Et ce n'est pas parce qu'une entreprise reçoit une facture
électronique qu'elle doit obligatoirement la payer !
Revenons sur la directive CSRD qui, depuis le 1er janvier 2024, attribue aux commissaires aux comptes de nouvelles responsabilités liées à la certification des informations en matière de durabilité. Comment accueillez vous cette nouvelle mission ?
Cela montre que notre profession n'est
pas seulement axée sur les chiffres. Ces mesures sont indispensables
si on veut continuer à faire durablement des affaires. Ces nouvelles
missions ont aussi un impact positif sur l'attractivité de notre
profession : les jeunes générations recherchent du sens, qui va
passer à la fois par le management des cabinets et par ces missions
liées à la durabilité.
Les enjeux ESG restent de l'audit, mais
avec beaucoup d'extra financier et les commissaires aux comptes ont
la déontologie et l'indépendance pour mener ces missions. En France,
4 500 confrères et consœurs (sur 12 000, ndlr) sont en train de se
former et plus de 600 ont déjà obtenu le «visa
durabilité» qui permet
d'accéder aux missions de certifications des données ESG.
Le commissaire aux comptes est un peu comme une vigie. Nous avons un rôle d'accompagnement auprès des dirigeants. La profession évolue et va continuer d'évoluer, que ce soit au niveau de l'IA, du digital ou de nos méthodes de travail. C'est impératif de prendre le train en marche.
La composition du Conseil Régional de
la CRCC Hauts-de-France
Président :
Frédéric Tilly
Vice-présidents :
Fabien Corneillie
Patrick Marissiaux
Grégory Mouy
Secrétaire :
Arnaud Dhaussy
Trésorier :
Marie Lapotre