Bilan du Centre d'études de la conjoncture immobilière – Nord
L'immobilier régional face à une crise inédite
Chaque année, le CECIM – Centre d'études de la conjoncture immobilière – Nord fait le point sur l'état du marché du logement neuf dans les Hauts-de-France. Les professionnels du secteur sont inquiets : l'immobilier connaît une crise sans précédent et ils craignent une pénurie de logements dans les années à venir.
Des taux d'intérêt élevés, des
coûts de matériaux en baisse et un foncier toujours plus rare : on
ne peut pas dire que le marché de l'immobilier ait beaucoup d'atouts
en ce moment. «L'an
dernier, on prévoyait une année 2023 difficile. Mais on a
sous-estimé l'évolution de notre activité»
s'alarme Jean-Michel Sède, président du Cecim Nord.
«L'inflation
et l'augmentation des coûts impactent les professionnels et on a
augmenté les taux comme on ne les avait jamais augmentés en un an
et demi»
ajoute l'économiste Philippe Dessertine. On parle même de 500%
d'augmentation.
Le
ras-le-bol des entreprises du bâtiment
Même
constat du côté de la FFB Hauts-de-France (Fédération Française
du Bâtiment), qui s'inquiète pour la profession : «On
commence à voir des défaillances d'entreprises et des liquidations
judiciaires. On a enchaîné beaucoup de crises et si on veut se
redresser, il faut être solidaires. Le tissu est fragile»
complète Benoît Loison, son président.
Il
souligne d'ailleurs que sur les 40
000 établissements régionaux du bâtiment,
28 000 sont des artisans qui travaillent seuls ; les 12 000 restants
emploient moins de 10 salariés. Soit un total de 96 000 salariés
dans le secteur en région employés dans de nombreuses petites
structures qui ont souvent de la difficulté à sortir la tête de
l'eau.
«Nous
ne sommes pas des magiciens»
Autre
phénomène inquiétant : le prix moyen au m2 de l'habitat
collectif atteint pour la première fois la barre des 4 000€, soit
une hausse de 14% depuis 2020. Les trois territoires qui ont connu la
plus importante hausse sont l'Armentiérois – Vallée de la Lys (+12% à 3 918€ /m2), Tourquennois – Vallée de la Lys
(+7%, 3 680€/m2) et la couronne Nord (+7%, 4 792€/m2).
Des
chiffres qui font réagir Jean-Louis Cottigny, président de l'URH
(Union régionale pour l'habitat Hauts-de-France) : «L'État nous
a demandé d'être des magiciens, que nous ne sommes pas. On nous
demande de construire vite et bien et d'avoir des niveaux de loyers
bas. On nous parle du logement comme une priorité mais aujourd'hui
les faits sont là : les gens ne quittent plus leur logement, ils
sont frileux et ne peuvent plus acheter». En 5 ans, le logement
social a chuté de 16,5%. Et cela a des répercussions sur le
logement neuf – qui accuse une baisse de 34% des réservations –
comme l'ancien (-23% pour les ventes de maisons anciennes dans le
Nord, -24% dans le Pas-de-Calais).
Cette
crise touche les particuliers comme les professionnels : la part des
investisseurs s'est contractée (35% contre 57% en 2022). Sur le
SCOT de Lille, les mises en vente (collectif & individuel groupé)
ont reculé de 30%, les réservations nettes de 55% et l'offre
disponible est supérieure de 25%. Et sur le SCOT d'Amiens, le recul
des réservations nettes est de 68%. «Il faudrait 32 mois pour
écouler tout ce stock. On ne va pas mettre sur le marché des
opérations sans avoir écoulé les autres» poursuit Jean-Michel
Sède.
Seul
Dunkerque surfe sur une belle tendance avec une augmentation de 14%
et l'on peut aisément croire que le territoire va jouir d'une belle
croissance avec l'arrivée des gigafactories.
Une
capacité d'emprunt en chute de 25%
Malgré
tout, les banques se montrent optimistes : «La
Banque Centrale Européenne a demandé aux banques d'être bien
capitalisées pour couvrir les incertitudes. Dans notre nouveau plan
stratégique, on a intégré l'immobilier dans toute sa chaîne»
rassure Benoît Gavory de la Caisse d'Épargne Hauts-de-France, en
promettant une «bouffée
d'oxygène» sur les
taux d'intérêt vers le mois de juin.
2024
semble se poursuivre sur une même tendance, avec peu d'opérations
lancées. Les professionnels annoncent le chiffre de 1 500 agences
immobilières qui ont mis la clé sous la porte. «Il
y a une sinistrose ambiante mais il faut envoyer des signaux
positifs. Le rebond sera lent et il faut aussi calmer la
réglementation sous laquelle on croule»
clame-t-on au Cecim.
Le
Cecim, c'est quoi ?
Il
regroupe les acteurs du marché de l'immobilier : promoteurs,
organismes d'habitat social, collectivités, banques, syndicats
professionnels... Chaque année, le Cecim publie un observatoire dont
les chiffres proviennent directement de l'activité des
professionnels.
Le Cecim a été créé en 1970 pour fédérer
la profession et l'informer avec des publications périodiques
d'analyses et de données statistiques.