Rencontre avec Christophe Dubreucq, directeur de la marque Les 130, à Dompierre-Becquincourt dans la Somme
Les Hauts-de-France, terre viticole en devenir ?
Des pommes de terre d'un côté, des vignobles de l'autre. Températures plus élevées, ensoleillement... les conditions sont davantage réunies pour que poussent des vignes en Hauts-de-France. C'est le pari que s'est lancée la jeune marque Les 130, à Dompierre-Becquincourt dans la Somme : épaulés par la société de négoce agricole Ternoveo, cette nouvelle aventure vient de donner naissance à deux cuvées de chardonnay.
Les vignes côtoient désormais les betteraves, les céréales ou le maïs. Si c'est un marché encore naissant dans les Hauts-de-France, c'est parce que les règles européennes interdisaient jusqu'alors la plantation de vignes à des fins commerciales sur des terres arables. Depuis 2016, l'assouplissement du dispositif permet à des vins sans appellation ni indication géographique de voir le jour et a donc donné l'idée à Christophe Dubreucq, directeur de la marque Les 130, de se lancer un défi : «Nous avons eu cette idée dès 2018 et l'année suivante, des agriculteurs nous ont fait part de leur envie de planter des vignes en Hauts-de-France».
Si la marque s'est baptisée Les 130, c'est pour faire référence au nombre d'agriculteurs que ce collectif aimerait voir rejoindre l'aventure : ils sont pour l'instant 60 à être entrés dans la démarche. Il s'adosse rapidement à l'expertise de Ternoveo, société de négoce agricole basée à Saint-Quentin et filiale de la coopérative Advitam (Saint-Laurent-Blangy) qui pousse à la diversification des revenus des agriculteurs. Ternoveo investit pour qu'ils deviennent viticulteurs, gèrent la culture et la récolte, ensuite acheminée chez Les 130.
«Pour
lancer une telle filière, il faut des équipements qui demandent de
l'investissement en vinifiation. Pour l'agriculteur, c'est une corde
de plus à son arc, la vigne est une plante pérenne contrairement
aux plantes annuelles qu'ils cultivent à côté. Pour certains,
c'est aussi l'occasion d'amener une valeur au patrimoine avec une
nouvelle culture. On les accompagne pendant un an sur la plantation,
la taille, la vie de la vigne...»
explique Christophe Dubreucq, dont les équipes analysent par des
études poussées l'exposition, l'environnement et l'adaptation de la
terre. Pour les agriculteurs, c'est aussi un investissement sur
l'avenir, avec des vignes qui produisent durant une cinquantaine
d'années.
Déjà
60 agriculteurs impliqués
Depuis
la création du projet, près de 90 hectares de vignes ont été
plantées dans les Hauts-de-France, sur les cinq départements. Deux
cuvées élaborées à partir du cépage Chardonnay viennent de voir
le jour, vendangées en septembre 2022 : Azimute et Parallèle 50.
C'est dans une ancienne sucrerie réhabilitée de 3 500 m2
qu'ont été produites les 40 000 premières bouteilles,
commercialisées sur place mais aussi chez des cavistes, épiceries
fines, magasins locaux «Prise Direct'» et restaurants.
«Dans
les Hauts-de-France, il y a moins de stress climatique que dans les
autres régions» poursuit Christophe Dubreucq, rejoint par
Laëtitia Vankerkoven, maître de chai, arrivée dans le projet il y
a deux ans : «Ici, on a la proximité de la mer, et donc,
davantage de vent et des écarts de température arrondis. Cela a
beaucoup d'influence sur les vins.» Tout un ensemble de signaux
positifs qui ont donné naissance à deux Chardonnay : Azimute avec
des notes d'agrumes et de fruits exotiques, plutôt pour l'apéritif
et en repas, Parallèle 50, «ample et gourmand, aux notes
d'agrumes rouges et de chocolat blanc». «Nous travaillons en
basse température pour préserver la qualité, avec des arômes
élégants qui restent en bouche» détaille la maître de chai.
D'autres cuvées en préparation
Les
130 ne comptent pas s'arrêter là puisque d'autres cuvées sont en
cours de préparation : Zénith en décembre 2023/janvier 2024 avec
un potentiel de garde plus élevé et Fragments, une «cuvée
prestige» qui regroupera l'ensemble des baies des parcelles
durant trois à quatre années. Une cuvée biologique serait aussi en
cours de préparation. En tout, le bâtiment de
Dompierre-Becquincourt compte 25 cuves en inox mais aussi des œufs
en béton et les traditionnels barriques en chêne.
D'abord distribuées sur les Hauts-de-France, les cuvées des 130 ont vocation à s'étendre sur le territoire national : «notre objectif est d'atteindre 200 hectares en 2025, on pourra à ce moment-là peut-être réfléchir à un nom différent» sourit Christophe Dubreucq.