Entretien avec Hugues Vinchon, conseiller du commerce extérieur (CCE)
«Lorsqu'une entreprise s'ouvre au monde, elle en ressort forcément grandie»
Conseiller du commerce extérieur de la France (CCE) depuis 2010, Hugues Vinchon brigue un cinquième mandat en 2023. Fort de son expérience, cet expert de l'international continue chaque année, avec passion, de livrer aux entreprises régionales les clés pour réussir à l'export. Rencontre avec ce conseiller chevronné, par ailleurs dirigeant de la société Inside The Biz.
Les
conseillers du commerce extérieur de la France (CCE) constituent
un réseau de 4 500 chefs d'entreprise et experts de l'international.
Ils sont investis de 4 missions, quelles sont-elles ?
Nous sommes nommés pour des mandats de 3 ans par le Premier Ministre et sommes repérés pour notre forte appétence de l'international et surtout notre volonté de transmettre. Nous sommes les grandes oreilles des pouvoirs publics, quand on repère des choses positives ou négatives, on les remonte. Par exemple sur la relance de l'export, le plan relance export s'est fortement inspiré de nos suggestions.
Notre rôle le plus important est l'appui aux entreprises qui se traduit par des actions de mentorat. C'est une relation de paire à paire, nous accompagnons de façon légère ou moins légère des entreprises qui veulent se développer, soit sur un nouveau marché soit qui sont primo exportateurs. Notre troisième mission est de pousser les étudiants vers l'international à travers des interventions de formation dans les universités et grandes écoles, les encourager à faire des V.I.E. Celles-ci ont connu un ralentissement pendant la crise sanitaire mais sont très bien reparties depuis, surtout en Hauts-de-France. La région est assez généreuse dans le financement des V.I.E par rapport à d'autres régions françaises. Avec une tendance forte sur le V.I.E à temps partagé.
Enfin, nous contribuons à l'attractivité du territoire. On
collabore par exemple avec NFI (Nord France Invest), très dynamique,
ou encore Hello Lille. Nous faisons la promotion de la France et de
la Région à l'international. En Hauts-de-France, nous sommes 87
conseillers ce qui prouve bien le dynamisme à l'export de notre
territoire.
«Les entreprises exportatrices
se portent mieux que leurs consoeurs qui n'exportent pas»
Comment se portent les
entreprises exportatrices de la Région ?
Globalement, elles se
portent mieux que leurs confrères qui n'exportent pas. Depuis la
crise de la Covid, on observe un effet positif. Les entreprises ont
pris conscience que 97% de notre potentiel est hors de France et le
nombre d'entreprises exportatrices a augmenté. Il est rare que dans
les 3 premières années après sa création, une société
franchisse le cap à l'international mais les start-up sont de moins
en moins frileuses. Elles sont même de plus en plus agiles et ont cessé de s'inquiéter. Celles qui ont travaillé sur leur agilité
sont celles qui s'en sortent le mieux. L'export est un des meilleurs
leviers de développement.
Que représente l'export en Hauts-de-France ces trois dernières années ?
La région
Hauts-de-France a réalisé 43,7 millions d'euros d'exportations en
2020, contre 54,1 millions d'euros en 2021. Sur l'année 2022
(résultats compris précisément entre le 4e trimestre 2021 et le 3e trimestre 2022), on évalue les exportations à 63,9
millions d'euros, ce qui placent les Hauts-de-France à la quatrième
place des régions exportatrices françaises derrière
l'Ile-de-France (125 M€), Grand Est (72,5 M€) et Auvergne Rhône
Alpes (65,5 M€).
Quelles sont les aides actuellement à disposition des
dirigeants ?
La région a lancé un
accélérateur export. La
consultation a été lancé en juillet, les dossiers ont été reçus
jusque septembre et les quinze premiers dossiers viennent d'être
sélectionnés. Les premiers candidats ont débuté l'accélération,
à la fois avec du boost individuel et collectif, et ce jusque fin
novembre. Toute la team France Export en région va se mettre autour
d'eux. Il y a également le CIE,
le contrat individuel à l'exportation qui est délivré par la
Région après analyse des dossiers par les conseillers
internationaux de la CCI ou de Business France. Le CIE est proposé
sous forme d'un parcours personnalisé à l'international.
Il existe aussi l'Assurance prospection via la BPI, qui va permettre de s'assurer sur
toutes les dépenses engagées sur des actions à l'international.
Différentes formules sont possibles en fonction de la taille de
l'enveloppe dont vous avez besoin. Par exemple, l'APA (l'Assurance
Prospection Accompagnement) est destinée à des PME qui ont besoin de
petites enveloppes et d'un accompagnement supplémentaire. L'A3P,
elle, est une formule rapide avec une enveloppe limitée à 30 000€.
Enfin on retrouve la «vraie» assurance prospection avec
des montants plus élevés et sur des durées plus longues.
Pourquoi certaines se lancent à l'export sans
hésiter tandis que d'autres restent sceptiques ?
Il y a un gros intérêt
à aller à l'international. Je dis toujours qu'il vaut mieux aller
chercher la crème à l'étranger plutôt que d'épuiser toutes ses
ressources en France. La marge reste meilleure si l'on exporte. Pour
les entreprises frileuses, cela s'explique à la fois par la peur de
l'inconnu, la barrière de la langue, les questions interculturelles
mais aussi le coût de la logistique et l'incapacité d'exporter.
Les avantages à l'export sont pourtant
multiples. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Avant toute chose, on répartit le risque avec l'export. Pendant que des marchés sont éteints, d'autres se développent. L'international permet de se dire, quoi qu'il arrive, je suis tellement présent dans de nombreux pays que je peux toujours compenser. La pérennité découle de la diminution de la dépendance sur le marché français ou plutôt l'ouverture aux marchés internationaux permet la pérennité et la dissolution du risque de dépendre que d'un seul marché qui s'effondre.
Un autre avantage, c'est la montée en compétences des
équipes et du dirigeant. Lorsqu'on s'ouvre au monde et aux échanges
interculturels, on en ressort forcément grandi dans son management
et dans ses actions. Car être confronté à des marchés différents,
c'est forcément améliorer ses process en permanence puisqu'il faut
s'adapter à la langue, aux normes et certifications
du pays ainsi qu'à la culture. On a alors une vision beaucoup plus
large.
Quel message pourriez-vous transmettre à un
chef d'entreprise hésitant à passer le cap de l'export ?
Si nos entrepreneurs
souhaitent étendre leur terrain de jeu, saisir de nouvelles
opportunités et améliorer leurs marges tout en continuant à faire
grandir les équipes en compétences, alors le développement à
l'international est l'une des clés majeures du succès.